Le 19 décembre 2025, l’Eurométropole de Strasbourg a voté deux délibérations qui marquent un tournant pour le quartier de l’Esplanade : l’extension du droit de préemption urbain renforcé (DPUR) et une convention avec l’Établissement public foncier d’Alsace (EPFA). Officiellement, il s’agit de préparer la restructuration du centre commercial et du cœur de quartier. Dans les faits, la collectivité se donne les moyens d’intervenir sur le marché immobilier local.

Le DPUR renforcé : un droit de priorité encadré mais étendu

Le droit de préemption urbain renforcé n’est pas une nouveauté à Strasbourg. Déjà appliqué dans le centre-ville et plusieurs secteurs en renouvellement, il s’étend désormais à certains lots de copropriété de l’Esplanade. Concrètement, lorsqu’un propriétaire décide de vendre son bien, la collectivité dispose d’un droit de priorité pour l’acquérir.

La municipalité insiste : ce dispositif ne s’exerce qu’en cas de vente volontaire, doit être motivé par un projet d’intérêt général et reste sous contrôle du juge administratif. Pas d’expropriation, pas de préemption systématique. Selon les retours d’expérience sur d’autres quartiers, l’impact sur les prix et le volume de transactions serait négligeable.

Reste que pour les propriétaires concernés, l’instauration de cet outil soulève des questions : quels projets justifieront concrètement une préemption ? Quelle sera la fréquence réelle d’utilisation ? La communication officielle se veut rassurante, mais le flou persiste sur les critères précis d’intervention.

L’EPFA entre en jeu pour accélérer les acquisitions

La convention avec l’Établissement public foncier d’Alsace vient renforcer le dispositif. Cet opérateur public pourra acquérir des biens pour le compte de l’Eurométropole, dans le cadre défini de la restructuration du centre commercial. L’objectif : faciliter et accélérer les opérations foncières nécessaires au projet.

Pour la collectivité, c’est un levier technique pour mener à bien une transformation d’envergure. Pour les habitants et commerçants, c’est aussi un signal clair : la puissance publique entend reprendre la main sur l’évolution du quartier.

Un projet qui se dessine depuis 2023

Depuis 2023, des études et ateliers associant habitants, commerçants et copropriétaires ont été menés pour définir les contours du futur projet. Un périmètre de prise en considération avait déjà été instauré pour encadrer les évolutions urbaines du secteur.

Les outils votés en décembre constituent la phase préparatoire. Le projet d’aménagement proprement dit se déploiera dans les prochaines années, avec des concertations annoncées. Reste à voir si cette démarche participative permettra réellement aux habitants de peser sur les orientations finales.

Propriétaires de l’Esplanade : des droits maintenus, mais sous surveillance

La Ville tient à rassurer : le droit de propriété n’est pas remis en cause. Les propriétaires restent libres de vendre, louer ou occuper leurs biens. Le DPUR ne s’active qu’en cas de vente volontaire et pour des projets d’intérêt général.

Mais l’extension de ce droit de préemption renforcé signifie aussi que chaque transaction immobilière sera désormais scrutée par la collectivité. Une surveillance du marché qui, selon la municipalité, vise avant tout à « mieux connaître » le foncier local. Pour certains habitants, c’est une garantie que le quartier ne sera pas abandonné. Pour d’autres, c’est une forme d’intrusion dans la liberté de vendre.

Entre redynamisation promise et inquiétudes légitimes, l’Esplanade entre dans une phase d’incertitude maîtrisée. Le projet urbain prendra forme dans les mois et années à venir. En attendant, les propriétaires du quartier devront composer avec ces nouveaux outils d’intervention publique.