Mi-décembre 2025, le tribunal correctionnel de Strasbourg a condamné Valentin Linder, ancien leader du groupuscule d’extrême droite Bastion social, pour détention d’images pédopornographiques. Une chute spectaculaire qui interroge les discours moralisateurs de l’ultra-droite locale.
Un cadre de l’ultra-droite strasbourgeoise devant la justice
Valentin Linder n’était pas un inconnu à Strasbourg. Figure centrale du Bastion social, ce mouvement d’extrême droite fondé en 2017 et dissous deux ans plus tard pour incitation à la haine, il avait marqué la vie locale par ses actions de rue et l’occupation d’un bâtiment proche de la gare. Devenu président national de la structure avant sa dissolution administrative, Linder incarnait une ligne radicale assumée.
Le lundi 15 décembre 2025, c’est donc un tout autre visage qu’il a présenté devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. Les faits reprochés : la détention d’images pédopornographiques découvertes sur ses supports numériques. Pas de production de contenus, ni d’agressions caractérisées, mais une possession et conservation de fichiers strictement interdits par la loi.
Une défense rejetée par le tribunal
Face aux juges, Valentin Linder a tenté une ligne de défense aussi classique qu’improbable : il se présentait comme un « chasseur de pédocriminels », conservant ces images dans le cadre d’une prétendue « enquête » personnelle. Un argumentaire que le tribunal n’a pas retenu une seconde.
Les magistrats ont estimé qu’aucun élément du dossier ne démontrait un travail réel d’investigation au profit des autorités compétentes. Surtout, ils ont rappelé que la simple détention de ces contenus constitue un délit pénal, quels que soient les motifs invoqués. La condamnation est tombée : une peine de prison ferme assortie d’un aménagement possible, l’inscription au fichier des délinquants sexuels (FIJAISV) et des obligations de suivi strictes.

Quand le discours moral vole en éclats
L’ironie de cette affaire n’échappe à personne. Le Bastion social et ses satellites ont longtemps construit leur communication sur un discours moralisateur : protection des enfants, défense des « valeurs traditionnelles », dénonciation de la « décadence » supposée de la société. Des thématiques récurrentes dans les cercles d’ultra-droite, souvent mobilisées pour légitimer leurs actions violentes ou leurs discours de haine.
La condamnation de l’un de leurs principaux cadres pour détention d’images pédopornographiques crée un décalage vertigineux entre ces postures publiques et la réalité des comportements. Un paradoxe qui fragilise encore davantage l’image d’une mouvance déjà marginalisée depuis la vague de dissolutions administratives de ces dernières années.
Une ultra-droite locale sous pression judiciaire
Cette affaire s’inscrit dans une séquence plus large de judiciarisation de l’extrême droite strasbourgeoise. Depuis la dissolution du Bastion social en 2019, les réseaux locaux ont tenté de se reconfigurer sous d’autres étiquettes, avec un succès relatif. La condamnation de Valentin Linder marque un nouveau coup dur pour cette galaxie militante, déjà affaiblie par les poursuites pénales et la surveillance administrative.
Pour les associations antiracistes et les collectifs qui ont documenté les actions du Bastion social à Strasbourg, cette décision de justice représente une forme de reconnaissance de la dangerosité de ces groupuscules. Elle soulève aussi des questions sur le devenir de ces réseaux : reconversions discrètes, nouveaux labels, maintien d’une activité souterraine ?

Ce que dit cette affaire de la radicalité
Au-delà du cas individuel, la condamnation de Valentin Linder interroge sur les trajectoires au sein des mouvements radicaux. Comment des cadres portant un discours de « protection » peuvent-ils se retrouver condamnés pour des faits touchant précisément ce qu’ils prétendent défendre ? Les spécialistes des extrémismes y voient souvent une instrumentalisation cynique de thématiques sensibles, davantage au service d’une stratégie politique que d’une réelle préoccupation morale.
Cette instrumentalisation n’est pas nouvelle : la figure du « pédocriminel » est régulièrement utilisée par certains groupes pour légitimer la violence, désigner des ennemis politiques ou justifier des actions illégales. Le cas Linder rappelle brutalement les limites et les contradictions de ces discours.
Pour Strasbourg, cette affaire referme un chapitre de l’histoire récente de l’ultra-droite locale. Mais elle ouvre aussi des interrogations sur ce qui reste de ces réseaux, leurs capacités de nuisance et les vigilances à maintenir. La condamnation est prononcée, la page judiciaire tournée. Reste à voir ce que deviendront les héritiers de cette mouvance dans les mois à venir.
