Avec 5,6 millions d’habitants au 1er janvier 2023, le Grand Est affiche une population stable depuis plus d’une décennie. Mais derrière cette apparente stagnation se cache une réalité contrastée : le Bas-Rhin tire son épingle du jeu avec une croissance de 0,6 % par an entre 2017 et 2023, soit environ 6 400 nouveaux habitants chaque année. Un dynamisme qui fait de ce département le moteur démographique de la région.

Le Bas-Rhin concentre 21 % de la population régionale et 22 % des naissances enregistrées entre 2017 et 2023. Cette vitalité s’explique par un double excédent : naturel (+0,2 % par an) et migratoire (+0,4 % par an). Concrètement, 4 600 personnes de plus s’installent dans le département qu’il n’en part chaque année, un chiffre supérieur au solde migratoire de l’ensemble de la région.

Strasbourg confirme son attractivité, Metz opère un retournement spectaculaire

Avec près de 294 000 habitants, Strasbourg demeure la huitième ville la plus peuplée de France et la locomotive du Grand Est. La capitale alsacienne gagne des habitants grâce à un excédent naturel remarquable (+0,5 % par an) et un solde migratoire positif. Son aire urbaine, notamment Lingolsheim, enregistre les progressions les plus spectaculaires de la région avec +2,2 % par an.

Mais c’est Metz qui réalise la performance la plus surprenante. Après avoir perdu des habitants entre 2012 et 2017 (-0,5 % par an), la préfecture mosellane inverse totalement la tendance. Son déficit migratoire de 1 % par an s’est transformé en excédent de 0,6 % par an. Un retournement qui s’explique notamment par l’attractivité croissante des zones frontalières avec le Luxembourg.

Les zones frontalières, nouvelles zones d’expansion

L’étude de l’Insee révèle un phénomène majeur : les territoires frontaliers, particulièrement ceux situés près du Luxembourg, attirent massivement de nouveaux habitants. Longwy illustre parfaitement cette dynamique avec un taux d’évolution migratoire de 1,5 % par an, le plus élevé de la région avec Lingolsheim.

Saint-Louis, dans la zone frontalière avec la Suisse, affiche également une croissance migratoire significative (+0,9 % par an). Ces résultats témoignent de l’effet « frontalier » : des opportunités professionnelles à l’étranger combinées à un cadre de vie français séduisent de plus en plus d’actifs.

Trois communes sur cinq perdent des habitants

Si le tableau est flatteur pour Strasbourg et le Bas-Rhin, la situation est plus préoccupante à l’échelle régionale. Entre 2017 et 2023, 2 870 communes du Grand Est perdent de la population, soit près de six communes sur dix. Ces pertes touchent principalement les petites communes rurales de moins de 1 000 habitants.

Reims et Mulhouse subissent un fort déficit migratoire (-0,9 % et -1,2 % par an respectivement) que leur excédent naturel ne parvient pas à compenser. Nancy connaît une situation similaire, avec une légère baisse de population (-0,1 % par an). À l’inverse des dynamiques observées à Strasbourg et Metz, ces villes peinent à retenir ou attirer de nouveaux habitants.

Un basculement démographique régional

L’Insee souligne un changement majeur : depuis 2017, le moteur migratoire a pris le relais du moteur démographique dans le Grand Est. Entre 2012 et 2017, la région enregistrait un déficit migratoire de 10 600 personnes par an, compensé par un excédent naturel de 10 700 personnes. La situation s’est inversée : le Grand Est affiche désormais un excédent migratoire de 4 200 personnes par an, mais un très léger déficit naturel de 1 900 personnes.

Cette évolution s’explique par un recul de la fécondité et une augmentation de la mortalité : 54 000 naissances contre 56 000 décès par an entre 2017 et 2023. Seuls le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle maintiennent une croissance démographique positive, tandis que la Marne, les Ardennes, les Vosges, la Meuse et la Haute-Marne perdent des habitants.

Pour Strasbourg et le Bas-Rhin, ces chiffres confirment un statut de pôle d’attractivité régional. La métropole alsacienne et son département bénéficient d’un cercle vertueux combinant dynamisme économique, démographie positive et rayonnement transfrontalier. Un atout majeur dans une région où la stagnation démographique reste la norme.