À quelques mois des municipales de 2026, plusieurs adjoints de la mairie de Strasbourg confient leur épuisement professionnel. Burn-outs, violences verbales, sacrifices familiaux : le constat est accablant. Pourtant, certains envisagent un nouveau mandat. Une situation qui interroge, alors que de nombreux Strasbourgeois dénoncent un manque d’écoute et d’empathie de la part de leurs élus.
Deux burn-outs en quelques mois : le témoignage de Carole Zielinski
Carole Zielinski, adjointe à la démocratie locale depuis 2020, ne cache pas sa souffrance. En mars 2021, elle est diagnostiquée en burn-out et s’arrête deux semaines. Quelques mois plus tard, en mai, elle rechute. « Avec le recul, je ne pense pas que c’était suffisant« , confie-t-elle à Actu.fr.
Son témoignage révèle un univers politique hostile : violences verbales, propos « extrêmement durs » lors des visioconférences en pleine crise Covid, charge mentale permanente, rapporte Actu.fr. Elle décrit un monde « viriliste » où, selon ses mots, il faut « être plus fort que les autres, rouler sur tout le monde pour se faire remarquer« .

Des sacrifices familiaux qui interrogent
Owusu Tufuor, adjoint aux sports, évoque également le prix à payer. Sa fonction l’accapare en soirée et les week-ends, du lundi au dimanche, explique-t-il dans Actu.fr. Résultat : il n’a pas assisté à un seul match de handball de son fils depuis le début de la saison. « Mon fils avait 12 ans et ma fille, 15 ans » au début du mandat, rappelle-t-il dans le journal, soulignant l’impact sur ses enfants.
Un discours qui interpelle quand on constate qu’Owusu Tufuor a pourtant trouvé le temps d’assister à de nombreux événements sportifs en tant qu’élu : matchs du Racing Club de Strasbourg, déplacements aux Jeux olympiques de Paris… Des présences professionnelles certes, mais qui contrastent avec l’absence totale aux compétitions de son propre fils.
Cette différence de traitement entre obligations professionnelles et vie familiale illustre le sacrifice demandé aux élus, mais soulève aussi des questions sur les priorités et l’organisation du temps.

Le paradoxe d’une candidature en 2026
Face à ces témoignages, une question s’impose : pourquoi se représenter pour un nouveau mandat en 2026 ? Si l’épuisement est tel, pourquoi ne pas simplement arrêter ? Seront-ils capables de soutenir cette pression pendant six années supplémentaires ?
Les élus interrogés évoquent « la satisfaction de voir les choses avancer« , ce sentiment d’être utile qui les fait tenir. Mais ce discours interpelle quand on le confronte à la réalité vécue par de nombreux Strasbourgeois.
L’autre versant de la souffrance : celle des administrés
Car si les élus souffrent, qu’en est-il des habitants ? À Strasbourg, de nombreux citoyens vivent dans des logements insalubres, se sentent abandonnés, non écoutés, voire arnaqués par les promesses non tenues. Leur pression psychologique, leur détresse quotidienne ne sont-elles pas aussi légitimes ?
Lors de plusieurs réunions publiques, ce sont justement les habitants qui ont exprimé leur choc face à la violence verbale de certains élus. Des témoignages rapportent un manque flagrant d’empathie, des réponses cinglantes, le sentiment d’être réduit à un simple « numéro de dossier« .
L’humain derrière l’élu mérite le respect, mais l’humain devant l’élu aussi.
Un article qui arrive bien tard
Autre point troublant : le timing de ces révélations. Pourquoi attendre la veille des élections municipales pour publier un tel article ? Pourquoi ne pas avoir parlé plus tôt de ces difficultés, de ces burn-outs survenus en 2021 ?
Cette communication tardive interroge sur sa sincérité et ses motivations. S’agit-il d’un appel à la compassion avant de solliciter un nouveau mandat ? D’une manière d’expliquer certains dysfonctionnements ou absences ? Ou d’une véritable prise de conscience qui arrive trop tard ?

Des élus usés pour un nouveau mandat : un choix responsable ?
La question centrale demeure : des élus qui reconnaissent leur épuisement, qui ont vécu des burn-outs, qui sacrifient leur vie familiale, sont-ils en capacité d’assurer un nouveau mandat de six ans ?
Gouverner une ville comme Strasbourg exige une énergie considérable, une disponibilité totale, une résistance psychologique à toute épreuve. Si certains adjoints sont déjà à bout après cinq ans, comment assureront-ils six années supplémentaires ?
Et surtout, dans leur état actuel, peuvent-ils vraiment servir les Strasbourgeois avec l’attention, l’écoute et l’empathie que ces derniers sont en droit d’attendre ?
Aucune violence n’est acceptable
Il est évidemment inacceptable que des élus subissent des violences psychologiques, des agressions verbales ou du harcèlement. Personne ne devrait être exposé à de tels comportements, quelle que soit sa fonction.
Mais cette souffrance ne peut pas non plus devenir un bouclier contre toute critique légitime, ni justifier un manque d’écoute envers les administrés. Les élus ont choisi cette responsabilité ; les Strasbourgeois, eux, n’ont pas choisi leurs difficultés.
Le débat doit donc s’ouvrir : comment protéger les élus tout en garantissant qu’ils restent à l’écoute des citoyens ? Comment éviter que l’usure du mandat ne se traduise par une indifférence croissante aux problèmes réels de la population ?
Et peut-être, plus fondamentalement : un élu usé devrait-il avoir le courage de passer la main plutôt que de solliciter un nouveau mandat qu’il ne sera peut-être pas en mesure d’assumer pleinement ?
