Ce mercredi 17 décembre 2025, le quartier du Wacken à Strasbourg a vibré au rythme des moteurs de tracteurs. Dès 8 heures du matin, une quarantaine d’engins agricoles ont convergé vers le Parlement européen, cette institution que les manifestants qualifient « d’endroit où tout se décide » pour l’avenir de l’agriculture. Une centaine d’agriculteurs, venus du Bas-Rhin et des départements voisins, se sont rassemblés devant le siège européen pour faire entendre leur colère, provoquant des perturbations de circulation jusqu’en début d’après-midi.
L’action était pilotée par la Coordination rurale (CR), syndicat agricole contestataire qui a pris le relais des mobilisations menées les jours précédents par la FDSEA, les Jeunes Agriculteurs et la Confédération paysanne. Avec une quinzaine de tracteurs stationnés devant le Parlement, les agriculteurs alsaciens ont choisi un lieu hautement symbolique pour porter leurs revendications au plus près des décideurs européens.
La dermatose bovine au cœur de la révolte
Le principal motif de cette mobilisation ? L’obligation d’abattage total des troupeaux dès la détection d’un cas de dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC). Pour les éleveurs, cette mesure sanitaire imposée par Bruxelles et appliquée par le ministère français de l’Agriculture relève du « massacre ». Les banderoles brandies ce mercredi ne laissaient aucun doute : « Non à l’abattage », « Halte au massacre », « Touche pas ma vache ».
Paul Fritsch, président de la Coordination rurale du Bas-Rhin, a témoigné de l’impact dévastateur de cette politique : « On a abattu le troupeau, fruit de générations de sélection. » Pour ces agriculteurs, il ne s’agit pas seulement d’une perte économique, mais d’un effondrement psychologique. Ils réclament l’abandon de cette stratégie radicale au profit de mesures plus ciblées, moins dévastatrices pour des exploitations construites sur plusieurs générations.

Mercosur et PAC : une double menace pour l’élevage européen
Au-delà de la DNC, les manifestants strasbourgeois ont également brandi leur opposition au traité de libre-échange UE-Mercosur, dont l’adoption est annoncée pour le samedi 20 décembre. Ce traité est perçu comme une menace existentielle pour l’élevage européen, accusé d’instaurer une concurrence déloyale avec des productions sud-américaines aux normes sanitaires et environnementales moins strictes.
Les slogans affichés fustigeaient cette double peine : « Non au Mercosur, non à la réforme de la PAC ». La nouvelle Politique agricole commune et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui pourrait renchérir le coût des engrais, complètent la liste des griefs. Pour Paul Fritsch, DNC et Mercosur constituent « deux menaces de même ampleur » pesant sur l’avenir de l’élevage français.

Une mobilisation qui s’amplifie sur tout le territoire
Cette action strasbourgeoise s’inscrit dans un mouvement de grande ampleur. Le 17 décembre, environ 80 mobilisations agricoles ont été recensées sur le territoire national, rassemblant quelque 3 600 manifestants selon le ministère de l’Intérieur. Une montée en puissance significative par rapport aux jours précédents.
La Coordination rurale annonce déjà vouloir étendre le mouvement dans les prochains jours, avec de nouvelles actions « coup de poing » dans d’autres départements. L’objectif : maintenir la pression sur le gouvernement et les institutions européennes à l’approche de décisions cruciales pour l’agriculture française. Le calendrier joue contre les agriculteurs, mais leur détermination semble intacte.
