En 2017, Salah Koussa s’engageait en politique avec une promesse gravée dans le marbre : « offrir un avenir et l’espoir aux jeunes ». Huit ans plus tard, devenu adjoint à la mairie de Strasbourg et président d’Ophea, le principal bailleur social de la ville, il dresse un bilan flatteur sur les réseaux sociaux. Plus de 400 stages proposés, une trentaine d’alternances, des entrepreneurs accompagnés. Un storytelling rodé qui contraste violemment avec la réalité vécue par les locataires dans les quartiers populaires strasbourgeois.
Des quartiers transformés en déchèteries à ciel ouvert
La Meinau, Hautepierre, Neuhof, Cronenbourg : ces quartiers connaissent un point commun inavouable. Contrairement au centre-ville de Strasbourg où les poubelles sont systématiquement enterrées ou abritées dans des locaux fermés, les résidences Ophea des quartiers populaires accumulent des conteneurs en extérieur. Résultat : dépôts sauvages à répétition, déchets qui débordent, encombrants abandonnés sur les trottoirs. Une gestion à deux vitesses que les habitants dénoncent sans relâche.
Le contraste est saisissant. Pendant que l’Orangerie et le quartier impérial affichent des rues impeccables grâce à des systèmes de collecte discrets et efficaces, les tours et barres HLM subissent une dégradation permanente de leur environnement. Une injustice territoriale que cinq années de mandat n’ont pas corrigée.
Une réponse sécuritaire qui évite le vrai problème
Face à l’ampleur du phénomène, Ophea a déployé un nouveau système : identification des auteurs de dépôts sauvages, convocations, dépôts de plainte, vidéosurveillance renforcée. Un arsenal répressif qui cible les locataires sans jamais interroger le système qui génère le problème. Car l’évidence saute aux yeux : au centre-ville de Strasbourg, où les poubelles ne sont pas en extérieur, les dépôts sauvages restent marginaux. Même avec la vidéosurveillance, le problème persiste dans les quartiers équipés de conteneurs extérieurs.
La question que personne ne semble vouloir poser à Ophea : pourquoi ne pas généraliser les locaux à poubelles fermés dans tous les quartiers ? Pourquoi accepter cette discrimination urbaine qui réserve la propreté aux secteurs privilégiés ?

Des bâtiments laissés à l’abandon
Au-delà de la gestion des déchets, c’est l’entretien général du parc immobilier qui pose question. De nombreuses résidences Ophea présentent des entrées sans vigik fonctionnel, des portes fracturées depuis des mois, voire des systèmes d’interphone totalement hors service. Conséquence directe : les facteurs ne peuvent plus accéder aux halls, privant ainsi les habitants de leur courrier en temps et en heure.
Les sonnettes défectueuses s’accumulent malgré les signalements répétés. Ni accusé de réception, ni intervention, ni suivi. Pour ces locataires du parc social strasbourgeois, le sentiment d’abandon est total. Ils paient leur loyer – régulièrement augmenté –, mais peinent à obtenir les services de base auxquels ils ont droit.
Cinq ans de mandat : quel bilan concret ?
Entre 2020 et 2025, qu’est-ce qui a réellement changé pour les 15 000 foyers logés par Ophea dans le Bas-Rhin ? Les augmentations de loyer sont bien là, documentées, incontestables. Mais les améliorations concrètes du cadre de vie tardent à se matérialiser dans les quartiers populaires.
Les posts LinkedIn et les interviews de presse célèbrent les stages offerts et les parcours entrepreneuriaux accompagnés. Louable, certes. Mais pendant ce temps, des familles entières vivent avec des portes d’entrée cassées, sans boîte aux lettres accessible, au milieu de déchets qui s’amoncellent faute d’infrastructure adaptée.


Une communication qui sonne creux
Le décalage entre le storytelling institutionnel et la réalité du terrain n’a jamais été aussi criant. Sur les réseaux sociaux d’Ophea et de son président, l’autosatisfaction règne. Dans les cages d’escalier des résidences de la Meinau ou de Hautepierre, c’est la résignation qui domine.
Les locataires ne demandent pas de grands discours sur « l’espoir offert aux jeunes ». Ils réclament des portes qui ferment, des sonnettes qui fonctionnent, des poubelles dignement gérées, un courrier livré normalement. Des choses basiques, élémentaires, qui constituent le minimum syndical d’un bailleur social digne de ce nom.
Quand l’écart entre les promesses politiques et la gestion quotidienne devient si béant, c’est la confiance dans les institutions qui s’érode. À Strasbourg comme ailleurs, les habitants des quartiers populaires ne sont pas dupes. Ils vivent la réalité qu’aucun post Instagram ne pourra embellir.
