Alors que les températures chutent à Strasbourg, la situation des personnes sans-abri prend un tournant dramatique. Selon Emmanuel Fernandes, député du Bas-Rhin, et Florian Kobryn, conseiller d’Alsace, des dizaines de personnes — dont des enfants, des nourrissons et des malades — passent actuellement leurs nuits dehors, dans le froid, au sein de campements de fortune ou hébergées temporairement grâce à la solidarité citoyenne.
Dans une série de courriers officiels datés du 26 novembre 2025 et adressés aux autorités locales, les deux élus tirent la sonnette d’alarme sur une crise qui ne peut plus être ignorée. « Il est aujourd’hui urgent d’agir« , écrivent-ils, appelant à l’activation immédiate du plan « grand froid » et à l’ouverture de solutions d’hébergement supplémentaires.
Des courriers adressés aux plus hautes autorités régionales
Les élus ont multiplié les démarches auprès des décideurs locaux. Le préfet de la zone de sécurité et de défense Sud-Est (ZSDE), Amaury de Saint-Quentin, a ainsi été interpellé sur la nécessité d’activer le plan « grand froid » sans délai. Le courrier insiste sur le devoir de l’État en matière de précaution et de respect des droits fondamentaux, notamment le droit à la vie et à la sûreté.
La directrice de l’Agence régionale de santé du Grand Est, Christelle Ratignier-Carbonneil, a également reçu un courrier dénonçant une situation sanitaire « extrêmement préoccupante« . Les élus y décrivent des cas alarmants : nourrissons de moins de 24 mois n’ayant plus pris de poids depuis plusieurs mois, enfants malades, adultes sans accès aux soins ni aux médicaments. « Cette situation est en elle-même gravissime ; comment ne pas voir le danger supplémentaire que représentent, pour ces personnes déjà fragilisées, le froid et l’humidité de la rue ou des zones boisées ?« , interrogent-ils.

Un appel aux communes et à l’Éducation nationale
La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, est également destinataire d’un courrier réclamant l’ouverture immédiate de gymnases, de logements vacants ou l’activation d’offres de logements intercalaires. Les élus rappellent que face à l’inaction de l’État, il revient à la commune d’assumer son devoir d’humanité et de responsabilité.
Le recteur de l’Académie de Strasbourg, Olivier Klein, a lui aussi été alerté sur une situation particulièrement troublante : certains enseignants, personnels éducatifs et parents d’élèves mobilisés pour accueillir des enfants sans solution d’hébergement auraient reçu des courriels menaçants de sanctions administratives de la part de leur hiérarchie. « Comment peut-on menacer de sanctions des femmes et des hommes qui font preuve d’humanité en accueillant des enfants sans solution d’hébergement ?« , s’insurgent les élus, rappelant que ces enfants sont par ailleurs scolarisés dans les établissements placés sous l’autorité du rectorat.

Un candidat à la mairie témoigne de la détresse sur le terrain
Sur les réseaux sociaux, Fahad Raja Muhammad, candidat à la mairie de Strasbourg, a partagé un témoignage poignant après avoir rencontré des enfants dormant à la rue. « Des enfants… dehors. Ça m’a brisé le cœur« , écrit-il, dénonçant l’existence de plus de 8 000 logements vacants dans la ville alors que des familles sont abandonnées. Il invite les Strasbourgeois à se rendre au campement de Krimmeri pour apporter leur soutien avec un sourire, un plat chaud ou des vêtements d’hiver.

31 morts à la rue en un an : le bilan accablant de l’association D’ailleurs Nous Sommes d’Ici 67
Dans un communiqué publié le 22 novembre 2025, l’association D’ailleurs Nous Sommes d’Ici 67 dresse un constat sans appel : entre novembre 2024 et novembre 2025, 31 personnes sont mortes à la rue à Strasbourg. Alors que la première vague de froid de l’hiver 2025-2026 s’installe, l’association déplore qu’aucune action n’ait été mise en œuvre par la mairie ou la préfecture pour protéger les personnes sans-abri.
L’association rappelle que la mairie dispose de locaux vides qu’elle pourrait ouvrir, comme des gymnases, et que la préfecture peut réquisitionner des logements vacants après avis de la municipalité. Elle dénonce le fait que Strasbourg semble plus prompte à demander l’expulsion des camps de migrants au tribunal administratif qu’à exiger de la préfecture la réquisition de logements vides.
« Strasbourg se prétend ville solidaire. Nous attendons des actes plutôt que des paroles« , conclut le communiqué, réclamant la mise en place d’une politique efficace de recensement des logements vides et de protection des personnes à la rue, avec ce slogan : « Un toit c’est un droit ! Réquisition des logements vides !«

Une urgence humanitaire au cœur de la campagne municipale
Cette crise des sans-abri s’inscrit désormais pleinement dans le débat public strasbourgeois, alors que la ville s’apprête à célébrer son marché de Noël, dont elle se revendique capitale. L’association D’ailleurs Nous Sommes d’Ici 67 souligne l’ironie de cette situation : « La fête de Noël […] est censée célébrer la naissance d’un enfant dans une étable parce que les riches ne voulaient pas donner une place à ses parents dans une auberge.«
Face à l’ampleur de la mobilisation citoyenne et associative, les autorités locales sont désormais sous pression pour apporter des réponses concrètes et immédiates à une situation qui met en danger des vies humaines, en particulier celles des plus vulnérables.
