Nos confrères de Rue89Strabourg ont publié ce samedi un article sur le rapport du cabinet Egaé concernant l’affaire Polesi. Ce rapport, commandé et financé par la ville de Strasbourg avec de l’argent public, n’a toujours pas été communiqué aux élus du conseil municipal. Comment la presse a-t-elle pu accéder à ce document alors que les représentants élus en sont privés ? Face à cette situation, plusieurs élus ont adressé une lettre à la maire pour demander l’accès au rapport et des éclaircissements sur les méthodes employées.

Élu•es et agentes municipales : trop peu ont été auditionné•es, sur quels critères ?

Selon Rue89 Strasbourg, Caroline de Haas du cabinet Egaé a mené des entretiens avec seulement 16 personnes. Le détail des auditions indique : neuf personnes « ayant été témoins ou cibles de comportements inadaptés ou violents de la part d’élu·es » et cinq « personnes en responsabilité (élu·es ou direction) » — soit 14 personnes identifiées, sans précision sur les deux autres.

Ce très faible nombre d’auditions interroge. La municipalité compte plusieurs milliers d’agentes et plus de 60 élu·es et n’a réalisé que 16 auditions, ce qui interroge : sur quels critères ces personnes ont-elles été choisies et pourquoi d’autres n’ont-elles pas été auditionnées ? On constate déjà que les élu·es les moins conciliant·es sur ce sujet, ceux et celles qui montent le plus au créneau au conseil municipal, n’ont apparemment pas été sollicité·es pour être auditionné·es.

Ces deux dernières années, plusieurs élues auraient choisi de témoigner anonymement dans la presse sur ce sujet. Ce recours à l’anonymat est révélateur : ces élues ne se sentiraient pas en sécurité pour parler ouvertement au sein de la mairie. Il n’y aurait manifestement pas de rapport de confiance permettant une parole libre en interne.

Les agentes, elles, n’ont aucun dispositif de signalement anonyme : chaque démarche les identifie et les expose. Signaler un élu, surtout s’il est perçu comme protégé par le pouvoir, resterait extrêmement risqué.

Pourquoi l’intégralité des élus du conseil municipal n’a-t-elle pas été auditionnée ? Pourquoi l’ensemble des agentes de la mairie n’a-t-il pas été invité à témoigner ?

Des auditions élargies auraient permis à davantage de personnes de se manifester. Toutes les victimes potentielles n’ont apparemment pas eu cette possibilité, ce qui pose des questions sur l’équité et la fiabilité de l’enquête.

Une succession de manquements qui interroge

Le contenu du rapport Egaé, son accès restreint, les méthodes d’audition partielles et les contradictions politiques accumulées depuis 2023 ajoutent un flou supplémentaire à une gestion déjà chaotique.

Alors que le rapport a été financé par l’argent public et concerne un élu de la majorité municipale aux moments des faits, son absence de communication aux élu·es du conseil municipal crée un profond malaise démocratique.

Plusieurs élu·es du conseil municipal ont désormais saisi la maire pour :

  • obtenir l’accès immédiat au rapport,
  • obtenir des clarifications sur le partage de ce rapport
  • comprendre les critères ayant conduit à n’entendre qu’un nombre limité d’élu·es et d’agentes.

Des dysfonctionnements et l’impunité des violences sexuelles en politique

Selon le collectif le Piquet feministe, le seul collectif féministe à s’être emparé de l’affaire jusqu’à présent, la chronologie brève de cette affaire serait la suivante :

2023 : La maire est informée des premiers signalements de violences sexuelles et sexistes impliquant Hervé Polesi. Malgré les demandes répétées de plusieurs élu-e-s pour qu’une enquête interne soit diligentée, celle-ci n’est pas lancée. Toujours selon le piquet feministe, les élu-e-s insistants pour cette enquête auraient subi des pressions, allant du simple refus d’écoute à des intimidations.

2024 : Un an après les premiers signalements, la maire renouvelle publiquement sa confiance à Hervé Polesi dans la presse et lui confie même une nouvelle délégation. Cette décision renforce le sentiment d’abandon ressenti par les victimes, qui avaient confié à la maire leurs signalements.

2025 : Lorsque M. Polesi est mis en cause pour d’autres faits de violences sexuelles et sexistes dans le cadre de ses fonctions universitaires, l’affaire éclate publiquement. Mais c’est le coup de théâtre : en plein conseil municipal, la maire affirme n’avoir jamais été informée de signalements de VSS impliquant Mr Polesi au sein de la mairie. C’est faux et elle devra se rétracter le lendemain en reconnaissant qu’elle en avait connaissance depuis deux ans.

La vérité a mis deux ans à émerger, mais seulement sous la pression. Cette situation illustre l’impunité et les soutiens dont bénéficient encore trop souvent les auteurs de violences sexuelles et sexistes, et met en évidence les limites des dispositifs de protection et de transparence au sein de la mairie.

Cette affaire met en lumière de nombreux dysfonctionnements au sein de la mairie, les contradictions entre le discours affiché féministe et bienveillant et la réalité de la gestion interne, ainsi que les limites des dispositifs de protection des victimes.

Elle révèle également un malaise grandissant parmi les soutiens et les élu·es, y compris au sein de la majorité, face à cette situation.

L’affaire Polesi pourrait devenir un tournant décisif pour la municipalité, révélant ses failles profondes et la mettant face à ses responsabilités.