Ce lundi 10 novembre 2025, impossible de passer un scanner, une IRM ou une simple radiographie dans le Bas-Rhin. Les cabinets de radiologie libéraux ont fermé leurs portes dans un mouvement de grève nationale d’une ampleur inédite. À Strasbourg et dans toute l’Alsace, le taux de mobilisation atteint des sommets : jusqu’à 95% des centres d’imagerie médicale sont fermés, laissant près de 3 000 à 4 000 actes médicaux en attente de reprogrammation.

La Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR) a lancé cet appel à la grève pour dénoncer les mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026. En ligne de mire : une baisse tarifaire qui frappe de plein fouet les professionnels de l’imagerie médicale et qui pourrait, selon eux, compromettre durablement l’accès aux soins dans la région.

Des baisses de tarifs qui inquiètent les praticiens strasbourgeois

Au cœur de la colère : une diminution de 12% des forfaits techniques, ces sommes qui permettent aux radiologues de financer leurs équipements, leurs locaux, les salaires de leurs équipes et l’innovation médicale. En moyenne, les tarifs des actes d’imagerie vont baisser de 5%, une décision qui vise à générer 300 millions d’euros d’économies d’ici 2027 pour l’Assurance maladie.

À Strasbourg, le groupement GERC de la clinique Rhéna illustre parfaitement l’impact de ces mesures. Avec ses quatre salles d’angiographie et ses 20 salariés, le centre reste fermé ce lundi. Pour ses praticiens, la baisse des forfaits représente 6% du chiffre d’affaires et rend impossible tout développement de nouveaux traitements mini-invasifs du cancer. Un projet de cinquième salle pour étendre les soins oncologiques vient d’être abandonné faute de moyens.

Un système de soins fragilisé dans le Bas-Rhin

Les radiologues alsaciens dénoncent une politique comptable à court terme qui risque d’allonger drastiquement les délais d’attente, déjà problématiques dans la région. Sébastien Thiriat, président du syndicat des radiologues d’Alsace, alerte sur la nécessité de réveiller l’opinion publique pour défendre une médecine de qualité.

Concrètement, les patients strasbourgeois vont subir de plein fouet les conséquences de cette grève. Les examens annulés devront être reprogrammés sous deux à trois semaines, avec des plages horaires élargies pour rattraper le retard. Seules les urgences vitales sont assurées, sous réquisition préfectorale si nécessaire.

La FNMR affirme pourtant avoir proposé des alternatives : limiter la redondance des examens, mieux former les médecins prescripteurs, déremboursement de certaines radiographies jugées non essentielles. Toutes ces pistes ont été rejetées par l’Assurance maladie, qui maintient sa ligne d’économies budgétaires.

Des investissements menacés, l’innovation en danger

Pour les praticiens, les coupes annoncées vont bien au-delà d’un simple ajustement tarifaire. Elles menacent directement leur capacité à investir dans des technologies de pointe, à recruter du personnel qualifié et à maintenir des centres d’imagerie dans les zones rurales et périurbaines du Bas-Rhin.

Le Dr Jean-Philippe Masson, président de la FNMR, qualifie ces décisions d’économiquement absurdes et médicalement irresponsables. Selon lui, les premières victimes seront les patients eux-mêmes, avec des délais allongés, un dépistage fragilisé et une limitation des soins innovants.

Un recours officiel va être déposé contre le protocole imagerie de la CNAM pour tenter de limiter les effets immédiats sur l’accès aux soins. En attendant, les Strasbourgeois devront patienter pour leurs examens d’imagerie, témoins malgré eux d’un bras de fer entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics.