Lundi 3 novembre 2025, jour du conseil municipal de Strasbourg, notre équipe s’est rendue au Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) situé dans les locaux de la mairie. Objectif : tester l’accès aux services d’assistance sociale pour une famille en situation d’urgence. Le résultat est accablant et révèle un dysfonctionnement profond du service public strasbourgeois censé venir en aide aux plus démunis.

L’impossible accès par téléphone : premier barrage administratif

Depuis plusieurs semaines, obtenir un rendez-vous avec une assistante sociale du CCAS de Strasbourg par téléphone est devenu mission impossible. Les lignes ne répondent pas, ou bien les appels sont systématiquement renvoyés vers un répondeur saturé. Pour les personnes âgées, les familles avec enfants en bas âge, les personnes à mobilité réduite ou tout simplement celles qui travaillent, cette impossibilité de joindre le service par téléphone constitue un premier obstacle insurmontable.

La seule solution proposée ? Se déplacer physiquement à la mairie de Strasbourg, au premier étage, aux horaires d’ouverture du CCAS. Un parcours déjà éprouvant pour des personnes souvent épuisées par leurs difficultés quotidiennes.

Sur place : l’humiliation d’attendre sans espoir

Le lundi 3 novembre, nous nous sommes donc rendus sur place avec une famille en situation d’urgence sociale nécessitant un accompagnement immédiat. L’accueil au premier étage du CCAS était assuré par une agent visiblement sympathique, mais tout aussi visiblement débordée et épuisée par le flot incessant de demandes.

Sa réponse à notre demande de rendez-vous urgent ? Revenir « fin novembre » pour « peut-être » pouvoir obtenir un créneau. Lorsque nous avons insisté pour obtenir une date précise, aucune réponse claire : « Revenez fin novembre, on verra à ce moment-là. »

Traduisons : pour une famille en détresse deouis octobre 2025, il faut attendre au minimum plusieurs semaines, se déplacer à nouveau sans garantie aucune, et espérer qu’à ce moment-là, peut-être, un rendez-vous sera disponible. Entre-temps, les difficultés s’aggravent, les situations se dégradent, les urgences deviennent des drames.

Le grand écart entre communication politique et abandon social

Ce qui rend ce constat encore plus insupportable, c’est le décalage abyssal entre la communication officielle de la municipalité écologiste et la réalité vécue par les Strasbourgeois en difficulté.

Le 17 octobre 2025, journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, Floriane Varieras, adjointe au maire déléguée notamment aux solidarités, publiait sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle elle expliquait doctement que la municipalité de Strasbourg était « au plus près des personnes en détresse« . Une belle communication. Un storytelling parfait. Une réalité inexistante.

Le 23 octobre 2025, la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian partageait un message solennel : « Acteurs et actrices de terrain, associations, élu·es de territoire, nous alertons d’une même voix pour que la parole des invisibilisé·es soit entendue, alors que nous comptons en 2025 plus de 350 000 personnes mal logées et 2 500 enfants à la rue chaque nuit. Nous ne nous résignons pas. Parce qu’un toit est un droit ! »

Des mots nobles. Des intentions louables. Mais sur le terrain, au CCAS de Strasbourg, ces « invisibilisé·es » dont la maire prétend porter la voix restent totalement invisibles pour les services municipaux. Pire : ils sont renvoyés chez eux sans solution, sans date, sans espoir.

Le 1er novembre 2024, plusieurs élus de la municipalité, dont la maire et des membres de son équipe, participaient aux commémorations pour les 32 personnes décédées dans la rue à Strasbourg. Photos officielles, discours émouvants, recueillement médiatisé. Un moment de communication parfaitement orchestré.

Mais quelle est la valeur de ces commémorations si, en amont, les services municipaux sont incapables d’accueillir dignement les vivants qui demandent de l’aide ?

Des centaines de milliers d’euros détournés de l’urgence sociale

Le plus révoltant dans cette situation, c’est que l’argent public existe. Le budget de la ville de Strasbourg n’est pas celui d’une commune rurale exsangue. Les fonds sont là. Mais ils sont visiblement alloués ailleurs.

Depuis l’arrivée de l’équipe EELV à la mairie de Strasbourg, des centaines de milliers d’euros ont été versés à diverses associations, dont certaines ont une présence fantomatique dans les quartiers populaires. Des structures qui multiplient les actions de communication, les ateliers de « sensibilisation », les podcasts, les événements festifs, mais dont l’impact concret sur la vie des Strasbourgeois les plus fragiles reste introuvable.

Pendant ce temps, le CCAS de Strasbourg, service public de première ligne pour les personnes en détresse, suffoque. Manque de personnel, délais inacceptables, organisation défaillante. Les moyens humains ne sont manifestement pas à la hauteur des besoins. Et pourtant, c’est bien ici, au CCAS, que se joue la vraie solidarité. Pas dans les posts Instagram bien léchés ou les discours larmoyants du 1er novembre.

L’approche des élections municipales : enfin une prise de conscience ?

Les élections municipales approchent. Et c’est précisément à cette période que la communication de la municipalité sur les questions sociales s’intensifie. Publications quotidiennes sur la solidarité, présence aux événements caritatifs, déclarations enflammées sur les réseaux sociaux.

Mais les Strasbourgeois ne sont pas dupes. Ils vivent la réalité. Ils connaissent les délais du CCAS. Ils savent qu’obtenir un rendez-vous relève de l’exploit. Ils voient l’écart entre les promesses et les actes.

La vraie question est simple : la municipalité de Strasbourg souhaite-t-elle réellement venir en aide aux plus démunis, ou se contente-t-elle d’une posture politique à des fins électorales ?

Un silence éloquent face à nos questions

Nous avons contacté la responsable du service ainsi que Floriane Varieras, l’adjointe en charge notamment des solidarités à plusieurs reprises. À ce jour, aucune réponse. Aucune explication. Aucun engagement à améliorer la situation.

Ce silence est assourdissant. Il en dit long sur la considération réelle que la municipalité porte aux personnes en difficulté. Tant qu’il s’agit de poser devant les caméras ou de publier des messages compassionnels sur les réseaux sociaux, les élus sont présents. Mais quand il s’agit de répondre concrètement des dysfonctionnements graves d’un service public essentiel, plus personne.

Les Strasbourgeois méritent mieux qu’une solidarité de façade

Les familles en détresse, les personnes isolées, les travailleurs pauvres, les seniors fragilisés ne demandent pas de la communication. Ils demandent de l’aide. Une aide concrète, rapide, efficace. Ils demandent qu’on les reçoive, qu’on les écoute, qu’on les accompagne.

Le CCAS de Strasbourg devrait être ce lieu d’accueil inconditionnel. Il devrait être doté des moyens humains et organisationnels nécessaires pour remplir sa mission. Chaque personne en difficulté devrait pouvoir obtenir un rendez-vous dans un délai de quelques jours maximum, pas de plusieurs semaines dans le flou le plus total.

L’empathie ne se décrète pas dans les discours. Elle se prouve dans les actes. Et pour l’instant, la municipalité écologiste de Strasbourg échoue lamentablement à prouver la sienne. Avant de commémorer les morts, il serait temps de s’occuper des vivants. Avant de publier des vidéos sur « la proximité avec les plus fragiles« , il serait temps de rendre cette proximité réelle.

Les Strasbourgeois en détresse ne méritent pas des mots. Ils méritent des moyens. Et ils méritent mieux que ce qu’on leur offre aujourd’hui à la mairie de Strasbourg.