Depuis le 28 octobre 2025, Vanessa Koehler, 25 ans, mène une grève de la faim devant le rectorat de Strasbourg, rue de la Toussaint. Son combat ? Obtenir un poste de titulaire après avoir réussi le concours de professeur des écoles. Classée 11e sur la liste complémentaire de l’académie, elle refuse le statut de contractuelle que lui propose l’institution. Chaque jour, de 7h30 à 18h30, assise sur les escaliers du bâtiment, drapeau français en berne à ses côtés, elle incarne la colère d’une génération d’enseignants confrontée à la précarité et au mépris institutionnel.

Un parcours semé d’obstacles dans l’académie strasbourgeoise

Vanessa a pourtant tout fait selon les règles. Après son master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation), elle a enchaîné les expériences d’alternante puis de contractuelle. Résultat du concours en juillet : elle figure sur la liste complémentaire, mais seuls neuf candidats ont été appelés cet été par l’académie de Strasbourg. Les autres restent en attente, sans visibilité, sans garantie. Pour Vanessa, accepter un énième contrat précaire à 1600 euros par mois reviendrait à cautionner un système qui transforme les enseignants en « articles dans un rayon », recrutés « au moins cher ». Elle dénonce une logique d’économie budgétaire qui prime sur les valeurs républicaines de l’Éducation nationale.

Une détérioration physique inquiétante

Après huit jours de grève de la faim, l’état de Vanessa alarme son entourage. Elle a perdu entre 5 et 5,5 kg, passant de 57 à environ 52 kg. Douleurs abdominales, fatigue extrême, affaiblissement général : la jeune femme refuse tout suivi médical et persiste dans son action, soutenue au quotidien par son meilleur ami. « Mon objectif, c’est que le rectorat me voie. Apparemment, les mots ça ne fonctionne pas », répète-t-elle. Sa détermination ne faiblit pas, malgré l’épuisement visible et les inquiétudes croissantes de ses proches.

Des rendez-vous sans issue avec les autorités académiques

Vanessa a multiplié les démarches : courriels, interpellations sur les réseaux sociaux, rencontres institutionnelles. Le 3 novembre, elle a été reçue par le recteur de l’académie, Olivier Klein, accompagnée de représentants des syndicats SNALC et Snapen. Résultat : aucune avancée concrète. On lui propose systématiquement soit un poste de contractuelle, soit une réorientation vers d’autres métiers. Même issue du côté judiciaire : le tribunal administratif de Strasbourg, saisi en référé par le Snapen, a rejeté la demande d’enjoindre l’académie à recruter les candidats de la liste complémentaire, estimant que le processus de recrutement contractuel était toujours en cours.

Une mobilisation syndicale et politique dans le Bas-Rhin

Le combat de Vanessa ne reste pas isolé. Le syndicat Snapen prépare une manifestation devant l’académie pour le mercredi 12 novembre, à laquelle la jeune femme espère pouvoir participer malgré son état. Le député Emmanuel Fernandes (LFI, deuxième circonscription du Bas-Rhin) a interpellé publiquement le rectorat, réclamant la titularisation des candidats sur liste complémentaire dans un contexte de crise du recrutement et de démissions massives dans l’enseignement. Des collègues lui témoignent également leur soutien, même si certains s’inquiètent de la radicalité de son engagement.

Une revendication qui dépasse le cas strasbourgeois

Vanessa ne se bat pas seulement pour elle. Elle réclame que tous les inscrits sur la liste complémentaire de l’académie de Strasbourg obtiennent un poste de titulaire, comme cela s’est produit dans d’autres académies françaises telles que Rennes ou Besançon. Pour elle, la précarisation des enseignants nuit directement à la qualité de l’enseignement et trahit la mission du service public. « Ma motivation, c’est de voir mes élèves réussir », martèle-t-elle. Son action met en lumière un malaise profond dans l’Éducation nationale : la logique comptable qui prime sur l’humain, les jeunes diplômés sacrifiés, la dégradation des conditions d’exercice du métier d’enseignant.

Jusqu’à quand Vanessa tiendra-t-elle ? Jusqu’à ce que le rectorat cède ? Ou jusqu’à ce que son corps lâche ? Pour l’instant, elle reste déterminée, installée chaque jour devant l’institution qui refuse de reconnaître son droit à exercer dignement le métier qu’elle a choisi. Son combat résonne bien au-delà de la rue de la Toussaint.