L’annonce était attendue, la méthode surprend. Virginie Joron, eurodéputée Rassemblement National, a officialisé le 23 octobre 2025 sa candidature aux municipales de Strasbourg en mars 2026. Mais au-delà du programme sécuritaire et des promesses de « sauver Strasbourg », c’est surtout sa stratégie de communication qui interroge : des images générées par intelligence artificielle pour dénoncer l’insalubrité de la ville. Un paradoxe pour une élue qui siège pourtant au Parlement européen… à Strasbourg.
Une campagne bâtie sur l’image choc
Depuis plusieurs jours, les réseaux sociaux de Virginie Joron diffuse des visuels spectaculaires : amoncellements de déchets au centre-ville, rues jonchées d’immondices, accompagnés de slogans alarmistes comme « Au cœur de Strasbourg, un vendredi après-midi, vous êtes accueillis par des immondices ! ». L’objectif affiché : prouver que la municipalité écologiste actuelle a laissé la capitale alsacienne sombrer dans la saleté.
Le problème ? Plusieurs de ces images ont été créées via des outils d’intelligence artificielle. Une pratique qui a rapidement enflammé les réseaux sociaux strasbourgeois, où habitants et élus locaux ont relevé les incohérences : certaines photos présentent des dépôts sauvages ponctuels, d’autres des affaires de sans-abri, parfois dans des contextes temporels ou géographiques déformés.
L’ironie d’une eurodéputée… basée à Strasbourg
Le paradoxe n’a pas échappé aux observateurs locaux. Virginie Joron siège au Parlement européen dont l’un des sièges principaux est… Strasbourg. Pourtant, plutôt que de photographier elle-même les problèmes qu’elle dénonce lors de ses passages dans la ville, elle choisit de recourir à l’IA pour illustrer son propos.
Cette démarche pose question : comment une élue européenne qui travaille régulièrement à Strasbourg peut-elle avoir besoin de l’intelligence artificielle pour montrer l’état de la ville ? Les Strasbourgeois, habitués à croiser des eurodéputés dans leurs rues lors des sessions plénières, peinent à comprendre ce décalage entre présence physique et communication virtuelle.
Sur les réseaux sociaux, les réactions oscillent entre ironie et indignation. « Elle est là une semaine par mois et elle a besoin de l’IA pour voir Strasbourg ? », s’interroge un internaute. D’autres soulignent que si les problèmes d’insalubrité existent réellement dans certains quartiers populaires ( Elsau, Meinau, Hautepierre, Neuhof, … ), ils sont rarement mis en avant par les candidats qui préfèrent cibler le centre-ville touristique.


Un projet municipal encore flou
Au-delà de la polémique visuelle, le programme de Virginie Joron reste centré sur trois axes : sécurité renforcée avec davantage de vidéosurveillance, rétablissement d’un arrêté anti-mendicité abrogé en 2020, et lutte contre l’insalubrité. Elle promet une mairie « qui protège et agit pour tous ».
Mais les critiques fusent sur le manque de propositions concrètes pour l’ensemble des quartiers strasbourgeois. Les habitants des zones périphériques, confrontés à des problèmes structurels de propreté, de transport et de services publics, s’interrogent : cette campagne spectaculaire dépassera-t-elle le stade du buzz médiatique ?

Entre réalité du terrain et virtualité politique
Cette affaire révèle une fracture plus profonde dans la façon de faire campagne aujourd’hui. L’utilisation d’images générées par IA pour construire un récit politique soulève des questions éthiques : où s’arrête l’illustration légitime et où commence la manipulation ? Comment distinguer le réel du fabriqué dans un discours qui se veut ancré dans le concret ?
Pour Strasbourg, ville européenne habituée aux débats démocratiques exigeants, cette campagne par l’image artificielle interroge la confiance entre élus et citoyens. À sept mois du scrutin, les Strasbourgeois attendent désormais des propositions tangibles, chiffrées, qui dépassent le cadre des publications Facebook et qui abordent la complexité réelle de leur ville : mobilité, logement, mixité sociale, développement économique.
La question demeure : Virginie Joron parviendra-t-elle à transformer son buzz numérique en projet municipal crédible ? Réponse en mars 2026, quand les électeurs strasbourgeois, eux, se déplaceront physiquement dans les bureaux de vote. Sans intelligence artificielle.
