L’Eurométropole de Strasbourg vient de publier son bilan 2024 sur la qualité de l’air, et les nouvelles sont encourageantes : les concentrations en dioxyde d’azote (NO₂) et particules fines atteignent leur plus bas niveau depuis 15 ans. Sur la station de mesure de la M35, le NO₂ est passé de 36 μg/m³ en 2023 à 33 μg/m³ en 2024, soit une baisse de 42 % depuis 2019. Résultat : seulement 2 200 habitants sont désormais exposés à des concentrations supérieures au futur seuil européen de 2030, contre 223 900 en 2019.
Toutefois, ces chiffres masquent une réalité préoccupante : 82 % des Strasbourgeois respirent encore un air qui dépasse les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour le NO₂. Et 100 % de la population reste exposée à des niveaux de particules fines PM2,5 supérieurs aux seuils de l’OMS, fixés à 5 μg/m³.
Chauffage au bois : le principal coupable des particules fines
Le chauffage au bois domestique représente 43 % des émissions de particules fines PM2,5 sur le territoire. Les cheminées ouvertes et appareils anciens rejettent massivement des polluants nocifs. Pour y remédier, l’Eurométropole a renforcé en octobre 2024 son dispositif « Fonds Air Bois » : une aide de 1 000 € pour tous les propriétaires qui remplacent leur ancien appareil, portée à 2 500 € pour les ménages modestes. Depuis 2019, 354 remplacements ont été subventionnés.
L’objectif affiché ? Réduire de 50 % les émissions de particules fines issues du chauffage au bois entre 2020 et 2030. Pour l’instant, la baisse n’est que de 7 % entre 2020 et 2023, mais la collectivité compte sur l’accélération du renouvellement des équipements.

Mobilité : le tournant vers une agglomération moins polluante
Le transport routier, responsable de 77 % des émissions de NO₂, est dans le viseur. La Zone à Faibles Émissions (ZFE) a prolongé de deux ans la période pédagogique pour les véhicules Crit’Air 3, repoussant leur interdiction définitive au 1ᵉʳ janvier 2027. Depuis son lancement, 6 500 aides à la conversion ont été accordées aux particuliers et 80 aux professionnels.
L’infrastructure évolue rapidement : extension du tramway vers Wolfisheim (inauguration le 15 novembre 2025), déploiement du Ring vélo autour de la Grande Île, lancement de la Colmarienne reliant Strasbourg à Illkirch-Graffenstaden, ou encore ouverture de la première station-service 100 % électrique d’Alsace dans le quartier Esplanade. Le réseau de bornes de recharge publiques compte désormais plus de 1 000 points, dont 284 sur le domaine public.
La plateforme de covoiturage Aut’hop affiche 15 500 abonnés et 300 000 trajets depuis mars 2024. Les voies réservées au covoiturage sur la M35 ont fait baisser le taux de fraude de 80 % à 23 % grâce aux radars infrarouges installés en juillet 2024.
Avenue du Rhin : un laboratoire d’amélioration de la qualité de l’air
Depuis 2023, un observatoire surveille la qualité de l’air sur l’Avenue du Rhin, axe structurant de l’agglomération. Les mesures montrent une amélioration notable : le NO₂ a baissé de 13 % entre 2021 et 2024 à l’école Solange Fernex, et les particules PM10 et PM2,5 de 18 %. Le trafic a diminué de 7 000 véhicules par jour entre 2022 et 2024 dans le secteur central, grâce à une régulation renforcée et au développement des transports en commun.

L’ozone, l’ennemi climatique qui progresse
Si la plupart des polluants régressent, l’ozone fait exception. Ce gaz oxydant, formé sous l’effet du soleil et de la chaleur, voit ses concentrations augmenter en lien avec le réchauffement climatique. Seul l’été maussade de 2024 a permis une baisse ponctuelle. Entre 2020 et 2024, le territoire a connu de nombreux dépassements du seuil de 120 μg/m³. Les premières données de 2025 montrent déjà une tendance à la hausse.
Agriculture et ammoniac : un défi à relever
L’ammoniac (NH₃), précurseur de particules secondaires, est le seul polluant dont les émissions augmentent : +26 % entre 2005 et 2023. Le secteur agricole représente 71 % de ces émissions, principalement à cause de l’utilisation accrue d’engrais azotés type urée pour le maïs. L’Eurométropole s’engage via le projet FIX’N Alsace avec la Chambre d’Agriculture pour réduire la volatilisation d’azote et tester des pratiques agricoles moins polluantes.
Des objectifs plus ambitieux pour 2030
En mars 2024, la collectivité a adopté de nouveaux objectifs alignés sur la directive européenne révisée : diviser par 2 à 2,5 les seuils réglementaires actuels d’ici 2030. Plus audacieux encore, l’Eurométropole vise les seuils de l’OMS à horizon 2035, bien plus stricts. Pour y parvenir, elle multiplie les actions : évaluation quantitative des impacts sanitaires (EQIS-PA), mesure de polluants non réglementés comme les particules ultrafines et le carbone suie, et intégration de la qualité de l’air dans tous les projets d’urbanisme.

Une mobilisation citoyenne et scientifique
La collectivité mise aussi sur la sensibilisation. L’application Air to Go permet aux habitants de suivre en temps réel la qualité de l’air et les niveaux de pollens. L’outil SignalAir centralise les signalements de nuisances olfactives, principalement des odeurs de levure et de brûlé à Strasbourg et Kehl. En 2024, le projet COMP’AIR a prêté des microcapteurs à 25 volontaires pour mesurer leur exposition lors de leurs déplacements.
L’Eurométropole teste également des solutions innovantes, comme un système de captation des particules d’usure des pneus, développé en partenariat avec l’Institut européen d’innovation et de technologie.
L’approche « Une seule santé » : vers une vision globale
En février 2025, Strasbourg s’est dotée d’une stratégie « Une seule santé« , reconnaissant l’interconnexion entre santé humaine, animale et environnementale. La pollution atmosphérique affecte la biodiversité, réduit les rendements agricoles de 10 à 15 %, et provoque maladies respiratoires et cardiovasculaires. Lauréate d’un programme européen URBACT, la collectivité expérimente avec neuf villes européennes des actions innovantes pour améliorer la compréhension des effets des polluants sur le vivant.
