Pendant plus d’un an, les habitants du quartier du Ried à Hoenheim ont vu patrouiller des agents de sécurité privée dans leurs rues. Mandatée par la Ville, la société MS Protect avait pour mission d’assurer une présence dissuasive face aux incivilités récurrentes qui gangrénaient ce secteur sensible. Pourtant, en septembre 2025, le préfet du Bas-Rhin a tranché : suspension immédiate. La raison ? Cette pratique viole la réglementation française qui réserve strictement la surveillance de la voie publique aux forces de l’ordre.

MS Protect : une solution locale face aux troubles du Ried

Face à la multiplication des incivilités, squats et troubles dans le quartier du Ried, le maire de Hoenheim, Vincent Debes, avait choisi de confier à MS Protect, via un marché public lancé en 2024, des missions de rondes et de dissuasion. Les agents effectuaient des patrouilles régulières aux abords des écoles, dans les squares et les rues à problèmes.

Sans armes ni pouvoir d’officier de police judiciaire, ces agents jouaient un rôle proche de celui d’une police municipale : présence visible, signalement des incidents, dialogue avec les riverains. Le bilan, selon la municipalité et les témoignages locaux, était positif. Les habitants du Ried saluaient une baisse des nuisances et un sentiment de sécurité retrouvé.

Le préfet rappelle la loi : la voie publique n’est pas privatisable

Mais l’efficacité perçue ne suffit pas à légitimer une pratique contraire au cadre légal. La préfecture du Bas-Rhin a rappelé un principe fondamental : les sociétés de sécurité privée n’ont pas le droit d’exercer des missions de surveillance, de contrôle ou de maintien de l’ordre sur l’espace public. Leur intervention doit se limiter à la protection de biens ou de personnes dans des lieux privés ou des espaces fermés au public.

En mandatant MS Protect pour patrouiller sur la voie publique, la Ville de Hoenheim a donc outrepassé ce cadre réglementaire. La décision du préfet est tombée sans appel : suspension immédiate des missions. Ni l’intention louable de lutter contre les incivilités, ni le soutien de la population ne pouvaient justifier cette entorse à la loi.

Hoenheim réoriente sa stratégie : trois postes de policiers municipaux créés

Plutôt que de contester la décision préfectorale, la municipalité a acté la fin du recours à la sécurité privée sur la voie publique. Lors du conseil municipal du 22 septembre 2025, la Ville a validé la création de trois postes de policiers municipaux, effectifs dès le 1er octobre. Cette solution permet à Hoenheim de maintenir une présence sur les sites sensibles tout en respectant le cadre légal.

Pour Vincent Debes et son équipe, c’est un virage contraint mais assumé. La création de ces postes représente un investissement pérenne dans la sécurité locale, avec des agents dotés de prérogatives officielles, formés et reconnus par l’État. MS Protect, quant à elle, devra repréciser ses missions et limiter son intervention à des espaces privés, conformément à la réglementation.

Une affaire révélatrice des tensions entre urgence locale et cadre national

L’affaire MS Protect à Hoenheim illustre une tension fréquente dans les politiques de sécurité locales : comment répondre rapidement aux attentes des citoyens tout en respectant un cadre juridique strict ? Face à des problèmes d’incivilités que les forces de police nationale ne peuvent toujours couvrir, les maires cherchent des solutions. Mais la tentation de recourir massivement au secteur privé se heurte aux limites du droit français, qui préserve le monopole de l’État sur la sécurité publique.

À Hoenheim, le bilan est double. D’un côté, l’expérience MS Protect a montré qu’une présence humaine régulière peut apaiser un quartier. De l’autre, elle rappelle que la sécurité sur la voie publique ne s’improvise pas et ne se délègue pas. Avec l’arrivée de policiers municipaux, la Ville espère désormais conjuguer efficacité et légalité.