Une campagne de communication destinée aux seniors strasbourgeois fait actuellement polémique sur les réseaux sociaux. L’affiche, qui promeut les services municipaux avec le slogan « Strasbourg la ville douceur« , présente notamment Nacera, 66 ans, portant un voile islamique. Cette représentation, qui se voulait inclusive et représentative de la diversité de la population strasbourgeoise, a déclenché une vague de critiques virulentes sur la plateforme X. Les réactions, particulièrement véhémentes de la part d’internautes de droite et d’extrême droite, témoignent de la polarisation croissante autour des questions liées à la visibilité religieuse dans l’espace public français.

Une campagne municipale ciblée seniors

La Ville de Strasbourg, dirigée par Jeanne Barseghian (EELV), a lancé cette campagne dans le cadre de sa politique d’accompagnement des seniors. L’initiative vise à valoriser les services municipaux d’aide et d’information destinés aux personnes âgées, avec un renvoi vers le portail dédié strasbourg.eu/seniors. Cette communication s’inscrit dans une démarche plus large de promotion du « bien-vieillir » à Strasbourg, mettant en avant la diversité générationnelle et culturelle de la métropole alsacienne. L’objectif affiché était de montrer une ville accueillante et bienveillante envers tous ses habitants âgés, indépendamment de leurs origines ou convictions religieuses.

Des réactions politisées sur les réseaux

Sur la plateforme X (anciennement Twitter), plusieurs personnalités politiques et commentateurs ont exprimé leur désaccord avec cette communication municipale. Alice Cordier dénonce publiquement « un symbole d’oppression et d’inégalité« , qualifiant la maire écologiste de « maire de la honte« . Silvani Trotta y voit du « raccolage électoral avec l’argent public« , profitant de l’occasion pour critiquer plus largement la gestion municipale en évoquant l’augmentation des déficits et les difficultés du commerce de centre-ville. Emmanuelle Brisson adopte un ton encore plus radical en parlant de « propagande islamiste » et d’atteinte à la laïcité, allant jusqu’à utiliser le hashtag « #Strasbourgistan« . Ces réactions révèlent les tensions profondes qui traversent le débat public français autour de la place de l’islam dans la société.

Le contexte alsacien du régime concordataire

Il convient de rappeler que l’Alsace-Moselle bénéficie d’un statut juridique particulier en matière de cultes, héritage de son histoire complexe. Le régime concordataire, maintenu depuis 1918 malgré la loi de séparation de 1905, organise officiellement les relations entre les pouvoirs publics et les cultes reconnus. Cette spécificité alsacienne-mosellane implique une approche sensiblement différente de la laïcité par rapport au reste de la France métropolitaine. Les cours de religion sont dispensés dans les écoles publiques, les ministres des cultes sont rémunérés par l’État, et les bâtiments religieux antérieurs à 1905 sont entretenus par les collectivités. Ce contexte juridique particulier nuance les arguments invoquant une stricte laïcité républicaine dans la critique de cette affiche strasbourgeoise.

Une polémique révélatrice des tensions actuelles

Dans un contexte national marqué par de multiples défis sociaux, économiques et sécuritaires, cette polémique autour d’une simple affiche de communication municipale interroge sur les priorités du débat public français. Alors que le pays fait face à des enjeux majeurs comme l’inflation, la crise du logement, les difficultés du système de santé ou encore les questions environnementales, l’énergie déployée autour de la représentation d’une femme voilée sur une affiche destinée aux seniors peut sembler disproportionnée. La question mérite d’être posée avec franchise : cette même indignation aurait-elle eu lieu si la personne représentée avait porté le voile d’une religieuse catholique, une kippa, ou tout autre signe religieux non musulman ? Cette interrogation soulève des questionnements plus profonds sur l’égalité de traitement des différentes confessions dans l’espace public français et sur les ressorts parfois sélectifs de l’indignation collective. La diversité de la population strasbourgeoise, reflet naturel de son histoire européenne et de sa position géographique frontalière, semble ainsi se heurter à des résistances qui dépassent largement le cadre local pour toucher aux enjeux nationaux de représentation, d’identité et de vivre-ensemble.