Le 28 septembre 1870, il y a aujourd’hui exactement 155 ans, Strasbourg hissait le drapeau blanc. Après 43 jours de siège et de bombardements incessants, la capitale alsacienne capitulait face aux troupes prussiennes. Un traumatisme qui marqua à jamais l’histoire de notre ville et de ses habitants.
Un contexte explosif : l’Alsace prise au piège de la guerre franco-prussienne
Le siège qui débuta le 16 août 1870 après la bataille de Frœschwiller-Wœrth, fait suite à l’escalade diplomatique entre la France de Napoléon III et la Prusse de Bismarck. La fameuse dépêche d’Ems et les tensions autour de la succession au trône d’Espagne embrasent l’Europe en juillet 1870.
Dès les premiers revers français, notamment la cuisante défaite de Frœschwiller-Wœrth le 6 août, l’Alsace devient territoire ennemi. Strasbourg, forte de ses 80 000 habitants et de sa position stratégique sur le Rhin, représente un verrou à faire sauter pour les Prussiens.

L’étau se resserre : 60 000 soldats prussiens contre 11 000 défenseurs
Le général prussien von Werder ne fait pas dans la dentelle. Avec 60 000 hommes et une artillerie Krupp dernier cri, il encercle complètement Strasbourg dès le 16 août. Face à lui, le gouverneur français Jean-Jacques Uhrich ne peut compter que sur 11 000 soldats pour défendre des fortifications dépassées.
La stratégie prussienne est claire : bombarder massivement la ville pour terroriser la population civile plutôt que d’attendre une reddition par la famine. Une tactique moderne et impitoyable qui annonce les guerres totales du XXe siècle.

43 jours d’enfer : quand Strasbourg brûlait sous les bombes
Entre le 16 août et le 27 septembre, notre ville subit un déluge de plus de 200 000 obus et bombes. Les conséquences sont dramatiques : la cathédrale Notre-Dame est touchée, la bibliothèque municipale et ses 400 000 manuscrits partent en fumée, l’Aubette, le palais de justice, le théâtre, l’église du Temple-Neuf, la gare et plus de 400 habitations sont détruits ou gravement endommagés.
Un tiers de la ville est détruit, 1 400 Strasbourgeois ont trouvé la mort ou sont blessée et 10 000 sont sans-abri. Les sapeurs-pompiers strasbourgeois se battent héroïquement contre les incendies, 17 d’entre eux recevront la médaille militaire pour leur bravoure.

Le 28 septembre 1870 : quand l’honneur militaire s’incline devant l’humanité
Le général Jean-Jacques Uhrich décide la capitulation le 28 septembre 1870. Face à l’épuisement des munitions, aux brèches ouvertes dans les fortifications et surtout pour épargner un massacre de civils lors d’un assaut final, le gouverneur français fait le choix douloureux de la reddition.
À midi, les troupes françaises sortent de la ville, saluées militairement par leurs adversaires dans un ultime respect des traditions militaires. Les Prussiens pénètrent ensuite dans une Strasbourg meurtrie, dont un tiers gît en ruines.

Les cicatrices indélébiles : Strasbourg sous le joug allemand
Cette capitulation marque un tournant dramatique pour Strasbourg. La ville devient rapidement capitale du « Reichsland Elsass-Lothringen » après le traité de Francfort de 1871. L’annexion allemande, qui durera jusqu’en 1918, transforme profondément l’identité urbaine et sociale de la cité.
Au-delà des destructions matérielles, c’est tout un patrimoine culturel qui disparaît. Des familles sont déplacées, l’architecture se germanise, la langue française recule. Strasbourg mettra des décennies à panser ses plaies et à retrouver son âme française.
Un héritage mémoriel toujours vivace dans nos quartiers
Aujourd’hui encore, les traces de ce siège tragique marquent notre paysage urbain. Des noms de rues aux monuments commémoratifs, en passant par les cicatrices architecturales encore visibles, l’histoire de septembre 1870 continue de dialoguer avec le présent strasbourgeois.
Cette page sombre de notre histoire locale rappelle aussi combien Strasbourg a toujours été au cœur des enjeux européens, frontière vivante entre les peuples et les cultures. Une position qui, de traumatisme, est devenue notre force avec le projet européen.
