Il est 22h15, ce jeudi 4 septembre 1997. Le calme de la rue Sainte-Marguerite, à proximité du pont de l’Abattoir, de la tour du Bourreau et du quartier de la Petite-France, est brusquement interrompu. Le bruit habituel de la cascade de l’Ill est subitement éclipsé par une forte explosion. Une charge, placée sur le mur de l’École Nationale d’Administration (ENA), alors située dans l’ancienne prison Sainte-Marguerite, souffle les fenêtres de plusieurs bâtiments voisins. La porte vitrée de l’école est endommagée, et un cratère de 50 cm de diamètre est creusé dans la façade principale.

Un quartier en état de choc et une enquête incertaine
Les riverains, réveillés par l’explosion, sont saisis par la stupeur. Les forces de l’ordre arrivent rapidement sur place, bouclent la zone, et interdisent l’accès à la rue Sainte-Marguerite. Le choc est perceptible dans tout le quartier. Catherine Trautmann, ancienne maire de Strasbourg et alors ministre de la Culture, arrive sur les lieux. Elle est à Strasbourg pour inaugurer la Foire européenne le lendemain.
Le bilan est impressionnant : une forte odeur de soufre flotte dans l’air, des éclats de verre sont éparpillés au sol, et la détonation résonne encore dans les esprits des témoins. Heureusement, aucune victime n’est à déplorer, mais les dommages matériels sont considérables. Les responsables de l’ENA évaluent les pertes à environ 500 000 francs.
Revendications ambiguës et enquête qui piétine
Le lendemain, la police auditionne les premiers témoins. Aucune revendication n’a encore été reçue, et aucune menace explicite contre l’école n’avait été enregistrée récemment. Les enregistrements de la vidéosurveillance ne révèlent rien de concluant. L’enquête débute dans une grande confusion, tandis que les autorités et les habitants cherchent à comprendre les raisons de cette attaque.
Deux jours après l’explosion, une station de radio basée à Bastia, en Haute-Corse, reçoit un appel revendiquant l’attentat. Le Front de Libération Nationale Corse (FLNC), un mouvement nationaliste clandestin, revendique l’explosion de l’ENA, ainsi qu’une autre attaque contre une gendarmerie à Pietrosella, en Corse-du-Sud. Face à cette revendication, la sécurité autour de l’école à Strasbourg est immédiatement renforcée, mais des doutes subsistent. Peu après, le FLNC dément être à l’origine de l’attentat strasbourgeois, relançant le mystère autour des véritables auteurs.

Un attentat dans un climat de tensions nationalistes
En novembre 1997, un communiqué attribué à un patriote corse, invoquant le nom de Pasquale Paoli, revendique à nouveau l’attentat de Strasbourg. Six mois plus tard, en avril 1998, cinq membres d’A Cuncolta Naziunalista, une organisation considérée comme la vitrine légale du FLNC, sont arrêtés à Bastia. Bien que ces personnes soient liées à plusieurs attaques, dont celle de la gendarmerie de Pietrosella, aucune preuve ne les relie formellement à l’explosion de Strasbourg.
Lors du procès en juin 2003 pour l’assassinat du préfet Claude Érignac, il est révélé que deux des accusés avaient séjourné à Strasbourg le soir de l’explosion, dans un hôtel situé à proximité de l’ENA, avant de se rendre à Mulhouse. Malgré cette information, aucun élément concret ne permet de les relier directement à l’attentat de l’ENA.
L’ENA : Une cible symbolique, mais des responsables toujours inconnus
Installée rue Sainte-Marguerite, l’ENA a formé pendant des décennies les élites administratives et politiques françaises. De nombreux anciens élèves, tels qu’Emmanuel Macron, Bruno Le Maire, François Hollande, Alain Juppé, ont marqué la scène politique nationale. Cette renommée a peut-être fait de l’institution une cible symbolique, mais l’identité des responsables de l’explosion de 1997 demeure inconnue.
Faute de preuves suffisantes, l’enquête a été définitivement classée en 2022. Aujourd’hui, cette affaire reste peu connue des Strasbourgeois et demeure une énigme non résolue.

Un événement oublié, mais marquant pour Strasbourg
Près de trois décennies après les faits, l’attentat contre l’ENA à Strasbourg en 1997 reste une affaire sans réponse claire, illustrant un contexte de tensions et de violence lié au nationalisme corse. Pour la ville, cet épisode, bien qu’effacé des mémoires collectives, rappelle un moment de violence imprévu dans un cadre pourtant réputé paisible.
Mystère non élucidé mais toujours présent dans les mémoires
L’attentat contre l’ENA reste un mystère judiciaire. Si les revendications et pistes ont été multiples, aucune ne semble avoir permis de découvrir les coupables. Cet événement, même sans victime, a marqué les esprits à Strasbourg et demeure un sujet de curiosité pour ceux qui se souviennent.
Pour les passionnés d’histoire locale, cet événement mérite d’être redécouvert à travers les archives et témoignages de l’époque, rappelant que même les villes les plus calmes peuvent connaître des épisodes de violence inattendus.
