La rentrée 2025 ne ressemble à aucune autre pour des centaines de familles alsaciennes. Dans le Bas-Rhin comme dans le Haut-Rhin, la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) a décidé de modifier en profondeur l’organisation du transport scolaire pour les enfants et étudiant·es en situation de handicap. Jusque-là, un service collectif était assuré par des sociétés locales de transport : taxis, chauffeurs indépendants ou entreprises spécialisées venaient chercher les enfants à leur domicile pour les conduire à leur école ou établissement d’accueil. Ce dispositif, bien que coûteux, permettait une inclusion scolaire indispensable.

Depuis septembre, ce service n’existe plus pour une grande partie des familles concernées. La CeA a fait le choix de remplacer le transport collectif par une indemnisation kilométrique : quelques centimes par kilomètre remboursés aux parents, invités à assurer eux-mêmes le trajet quotidien de leurs enfants. Pour de nombreuses familles, déjà confrontées à des contraintes logistiques et professionnelles lourdes, cette solution est tout simplement impraticable. Résultat : des situations de déscolarisation émergent dès la rentrée.


Une compétence départementale assumée… mais réorientée

La prise en charge du transport scolaire pour les enfants en situation de handicap relève bien de la compétence de la CeA. Or, selon les élu·es écologistes et communistes d’opposition, la majorité départementale a fait un choix politique motivé par des contraintes budgétaires. La collectivité affirme vouloir « renforcer l’autonomie » des enfants et « responsabiliser » les parents. Mais pour les familles concernées, ce discours ne correspond pas à la réalité : beaucoup n’ont pas la possibilité matérielle d’assurer ces déplacements quotidiens, parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Les opposants dénoncent un « double discours ». Officiellement, la CeA assure que le transport collectif reste possible, notamment via les transports en commun avec accompagnement. Dans les faits, la plupart des familles ont reçu une notification ne mentionnant qu’une indemnisation individuelle. Selon les élu·es, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), également gérée par la CeA, joue un rôle ambigu en validant ces aides individuelles au détriment d’un service collectif.


Des conséquences lourdes pour l’économie locale

L’impact ne se limite pas aux familles. En retirant la gestion du transport aux sociétés locales, la CeA fragilise tout un pan de l’économie alsacienne. Plusieurs entreprises de transport, qui assuraient jusque-là ce service spécialisé, se retrouvent sans contrats. Des dizaines de chauffeurs, formés pour travailler avec des enfants en situation de handicap, perdent leur emploi du jour au lendemain.

Les élu·es d’opposition rappellent que ces entreprises locales offraient un service de proximité, adapté aux besoins spécifiques des enfants. En privilégiant une indemnisation individuelle, la CeA retire aux acteurs locaux une mission essentielle, au profit d’une gestion budgétaire strictement comptable. Pour beaucoup, il s’agit d’un pas supplémentaire vers une libéralisation du service public, aux dépens des plus fragiles.


La question d’un service public en suspens

Pour les élu·es écologistes et communistes, la solution existe pourtant. Ils appellent la CeA à assumer pleinement son rôle de chef de file en matière sociale et à mettre en place un véritable service public de transport scolaire adapté. Deux options sont envisagées : créer une régie directe, ce qui impliquerait la constitution d’une flotte de véhicules adaptés ; ou déléguer ce service à des entreprises locales via une délégation de service public.

Dans les deux cas, l’objectif serait de garantir un droit fondamental : celui de l’inclusion scolaire pour les enfants en situation de handicap. Pour les familles, ce n’est pas seulement une question d’organisation quotidienne, mais bien d’égalité d’accès à l’éducation.


Mobilisation à Strasbourg et dans le Bas-Rhin

Face à la situation, les familles concernées commencent à se mobiliser. À Strasbourg, des parents témoignent déjà de leurs difficultés, certains expliquant devoir réduire leur activité professionnelle pour assurer les trajets, d’autres se disant contraints de renoncer à la scolarisation de leur enfant. Les sociétés locales de transport, elles aussi, tentent de faire entendre leur voix pour dénoncer un désengagement social qui fragilise leur activité et supprime des emplois durables.

Les élu·es d’opposition ont annoncé leur soutien à cette mobilisation et réclament une clarification rapide de la part de l’exécutif départemental. Selon eux, la CeA doit rétablir la transparence et « réconcilier les paroles et les actes » afin de répondre aux attentes des familles, des enfants et de l’économie locale.