L’ouverture du conseil municipal de Strasbourg, prévue lundi 19 mai à 10h, a été reportée à 18h en raison d’un blocage du centre administratif par des forains en colère. Ce mouvement de protestation s’inscrit dans le cadre du conflit autour du lieu d’installation de la Foire Saint-Jean. Ce report inédit a profondément marqué les débats, donnant lieu à une succession de prises de parole tendues entre majorité et opposition.
Des méthodes dénoncées unanimement
La maire écologiste de Strasbourg, Jeanne Barseghian, a ouvert la séance en condamnant fermement les événements de la matinée :
« Les méthodes employées par les forains, et quelque soient les désaccords, ces méthodes sont inacceptables… Inacceptables parce qu’il a été fait usage de menace, de violences, d’intimidation et d’entrave à la bonne gestion du service public. »
Elle s’est dite choquée de voir « que des élus de la République cautionnent le blocage d’un centre administratif, des services publics et une assemblée délibérante démocratique. »
Marc Hoffsess, adjoint à la mairie de Strasbourg, a durci encore le ton :
« Ce que nous avons vécu aujourd’hui, c’est un petit Capitole, un petit 6 janvier 2021, c’est-à-dire un assaut, du moins un blocage inédit et gravissime… Par une foule corporatiste, égoïste et sourde à toute contingence d’intérêt général, du trumpisme à la sauce française. »

Opposition vent debout contre la majorité
L’opposition municipale, quant à elle, a critiqué la gestion du dossier par la majorité, dénonçant un dialogue rompu avec les forains. Jean-Philippe Vetter (LR) a évoqué un profond malaise :
« Ce ressentiment vis-à-vis d’un dialogue avec des élus de la municipalité témoigne aujourd’hui d’un mépris, et souvent d’un mépris de classe, comme si leur activité n’était pas essentielle. »
« On le voit bien, c’est ce mépris de toute une corporation que vous accusez aujourd’hui de racisme. »
Anne Pernelle Richardot (PS) a également dénoncé les déclarations de Marc Hoffsess :
« Les propos tenus par Marc Hoffsess sont absolument scandaleux. »
Elle a rappelé l’attachement populaire à la foire : « Une foire aimée des Strasbourgeois, et il faut regarder les commentaires sur les réseaux sociaux pour s’en rendre compte. »
Témoignages divergents sur le déroulé des faits
Alors que la majorité parle de menaces et de gaz, plusieurs élus de l’opposition présents sur les lieux ont contesté cette version.
Rebecca Breitmann a déclaré :
« Vous parliez d’insulte, de menace, d’utilisation de bonbonnes de gaz, mais quand nous étions sur place, il n’y a aucune menace qui a été prononcée. Vous racontez n’importe quoi. »
Pierre Jakubowicz a dressé un parallèle avec d’autres alertes ignorées par la municipalité :
« Quand nous alertons sur le budget, nous sommes des fous, la Cour des comptes confirme. Quand nous alertons sur le tram Nord, nous sommes des fous, la commission d’enquête confirme. Sur la Foire Saint-Jean, nous avons alerté, nous étions des fous, la situation actuelle confirme. »
Nicolas Matt a ciblé plus directement la méthode Barseghian :
« Vos pseudos concertations, les projets déjà décidés à l’avance, le tram Nord, le tarif du stationnement, l’extinction des feux la nuit, tout cela madame la maire, ce n’est pas les forains, c’est vous. »

Majorité contre-attaque
Floriane Varieras, adjointe chargée de la politique sociale, a rappelé l’enjeu financier :
« Strasbourg ne peut plus se permettre les dépenses de millions d’euros pour des solutions précaires, et je crois que cela, nous en sommes tous d’accord. »
Elle a condamné l’action des forains, affirmant :
« Nous ne pouvons pas non plus accepter les démonstrations d’intimidation alors qu’une réunion était prévue demain après-midi. »
Syamak Agha Babaei, premier adjoint, a insisté sur la nécessité d’un traitement équitable des mouvements sociaux :
« Le respect de la loi que certains et certaines ici mettaient en avant quand des jeunes des quartiers populaires manifestaient […] ce même respect de la loi est nécessaire ici et aujourd’hui, car pas de deux poids deux mesures. »
Il a aussi souligné l’absence de solutions concrètes dans le camp adverse :
« Lorsque j’ai entendu les uns et les autres se lamenter, je n’ai entendu zéro proposition, aucune intervention depuis le début de ce mandat, et pour certains je pourrais dire depuis 2008, aucune proposition sur un emplacement. »
Pierre Ozenne a attaqué directement les élus de l’opposition sur leur attitude :
« Et vous, où étiez-vous, ceux de l’opposition ? On a vu les selfies, c’est vrai que c’est sympa. Prendre un café devant des pneus brûlés… Vous n’étiez pas là pour apaiser, cher monsieur Vetter, vous étiez là pour souffler sur les braises, c’est ça votre méthode. »
« L’an dernier, vous étiez où ? Vous étiez au Port du Rhin à la rencontre des habitants pour leur dire qu’il ne fallait surtout pas qu’il y ait la Foire Saint-Jean au Port du Rhin… Vous étiez dans le double jeu comme aujourd’hui, et c’est là le confort de l’opposition. »

Un dialogue rompu et une fracture politique
L’affaire de la Foire Saint-Jean dépasse aujourd’hui le simple conflit d’usage de terrain : elle met en lumière une profonde fracture entre exécutif municipal et une partie de la population professionnelle et politique. Entre accusations de mépris, dénonciation de violences et divergences de récits, la gestion de cet événement pourrait durablement marquer le mandat de la maire Barseghian.
