C’est un cri d’alerte rare et puissant qui émane de la Société des journalistes (SDJ) de France 3. Dans une lettre datée du 28 avril 2025, les journalistes de la rédaction nationale interpellent leur direction et leurs collègues : « Journalistes, reprenez la parole ! » Un appel à la liberté d’expression au sein même du service public de l’information.

Un climat de peur à la rédaction nationale

Dans ce document, la SDJ dénonce un climat délétère à la rédaction nationale de France Télévisions. Selon ses membres, une majorité de journalistes s’abstiendraient de toute critique ou désaccord par crainte d’être mis à l’écart des reportages dits « prestigieux » : couvertures à l’étranger, magazines, éditions spéciales, ou encore le très convoité journal de 20 heures.

« Être mal vu, estampillé ‘rebelle’, c’est la garantie de ne plus faire que des micros-trottoirs ou des sujets tournés en deux heures », peut-on lire dans ce communiqué. Une situation qui aurait progressivement étouffé les débats internes, pourtant essentiels à une rédaction vivante et pluraliste.

La liberté de parole en question

La SDJ revient sur un épisode marquant : lors de la fusion des rédactions nationales, un chef de service de France 2 aurait mis en garde ses journalistes contre une « contamination » venue des équipes de France 3, alors en plein succès avec le Soir 3, le 19/20 ou encore le 12/13. Une mise en garde qui visait, selon le syndicat, cette « liberté de parole » que portaient les rédactions régionales, et que certains cadres redoutaient.

Aujourd’hui, cette liberté semble, selon la SDJ, plus menacée que jamais. Plusieurs dossiers sensibles seraient passés sous silence dans les journaux de France Télévisions.

Des sujets évités ?

Parmi les exemples cités : l’absence de traitement éditorial depuis octobre 2024 sur la proposition de loi portant sur la réforme de l’audiovisuel public. Une réforme pourtant centrale pour l’avenir de France Télévisions, soutenue par la présidente Delphine Ernotte et la ministre Rachida Dati.

Autre sujet sensible : Gaza. « Pourquoi si peu de sujets à l’antenne ? », s’interroge la SDJ, pointant un déséquilibre de traitement par rapport à la guerre en Ukraine. Même silence autour d’un sit-in de journalistes le 16 avril dernier à l’Opéra Bastille, en mémoire de près de 200 confrères palestiniens tués.

Enfin, la SDJ souligne le silence de la rédaction nationale après le meurtre d’Aboubakar Cissé dans une mosquée du Gard. « L’information serait-elle passée inaperçue s’il s’était agi d’un autre lieu de culte ? », s’indignent les auteurs du texte.

Une liberté qui dérange ?

Selon la SDJ, cette prise de parole dérange la direction. Après avoir bloqué certaines évolutions de carrière, la direction envisagerait aujourd’hui de sanctionner l’ancienne présidente de la SDJ, sans raison officielle. Pour ses collègues, cette tentative d’intimidation vise une chose : faire taire les voix critiques.

Un appel à la mobilisation

À travers ce message, la SDJ de France 3 espère ranimer « la formidable énergie critique » de la rédaction. Sans donner de leçons, elle se veut un aiguillon : « Journalistes, reprenez la parole ! »

À Strasbourg comme ailleurs, cette tribune fait écho aux préoccupations de nombreux professionnels de l’information, attachés à leur indépendance. Dans un paysage médiatique en constante mutation, la liberté de ton reste un combat quotidien, y compris au sein du service public.