Dans un entretien exclusif accordé à Strasinfo.fr, Emmanuel Fernandes, député LFI de la 2e circonscription de Strasbourg depuis 2022, se livre sur son parcours, ses engagements et sa vision politique. Portrait d’un élu engagé qui, à 44 ans, défend avec conviction les valeurs de la France Insoumise sur les bancs de l’Assemblée nationale comme au sein des institutions européennes.

D’un militantisme citoyen à l’Assemblée nationale

Élu en juin 2022 à 42 ans, Emmanuel Fernandes découvre le monde parlementaire après un engagement politique récent. « J’ai été élu en 2022 à 42 ans comme député après ma première campagne », explique celui qui se définit comme « un militant citoyen ou un citoyen militant » Encarté dès 2012 au Parti de Gauche dont il restera membre pendant deux ans ,son parcours electoral a débuté en 2020 : « J’avais été sur la liste Insoumise aux élections municipales en 2020, mais j’étais assez loin sur la liste de Kevin Loquais (Strasbourg en commun) », confie-t-il.

L’entrée à l’Assemblée nationale représente pour lui un véritable défi : « J’ai dû apprendre à devenir député, et oui, il n’y a pas de mode d’emploi pour être député », reconnaît-il avec franchise. « Au début, c’était vertigineux parce qu’il faut être à Paris dès le mardi matin alors qu’on a été élu le dimanche soir, entrer dans l’hémicycle, c’est impressionnant, pour moi qui ne m’y étais rendu que lors d’une visite avec ma classe, lorsque j’étais lycéen. »

Le nouveau parlementaire doit rapidement s’adapter aux exigences de sa fonction : « Il faut apprendre à légiférer, à produire des propositions de lois, à débattre sur un projet de loi lorsqu’il est proposé par le gouvernement, à rentrer dans sa commission permanente », détaille-t-il. Membre de la Commission de la défense nationale, des forces armées et des anciens combattants, Emmanuel Fernandes reconnaît sans détour avoir dû s’approprier ces nouvelles thématiques : « Ce sont des sujets aussi pour lesquels j’ai appris à m’investir et sur lesquels j’ai beaucoup progressé. »

Face aux attentes des citoyens : humilité et apprentissage

Le député strasbourgeois évoque avec lucidité les défis quotidiens de sa fonction, notamment la pression des attentes citoyennes : « Apprendre aussi à accepter qu’on est beaucoup sollicité et qu’on suscite beaucoup d’attente pour la population. »

« Ce qui a été le plus difficile, dès l’élection, c’est qu’il y a une très forte attente et la population pense d’emblée qu’on doit être en connaissance de tout sujet, expert presque sur tout et avoir réponse à tout. En fait, c’est faux », analyse-t-il avec franchise.

Avec humilité, il assume cette réalité et en fait même une forme d’engagement : « Je revendique le fait de ne pas tout savoir, d’apprendre tout en faisant, et d’essayer de faire au mieux. Prendre la mesure de la responsabilité et connaître mes limites pour savoir les repousser constamment. »

Justice sociale et partage des richesses : le cœur de son combat

Pour Emmanuel Fernandes, l’action politique s’inscrit avant tout dans une dimension collective au service d’un projet de transformation sociale : « Les objectifs sont avant tout collectifs ; c’est de gouverner le pays, c’est-à-dire de mettre en œuvre le programme de justice sociale, de partage des richesses », affirme-t-il avec conviction.

Le député dénonce fermement les inégalités économiques qui traversent la société française : « Il y a beaucoup de richesse dans ce pays mais il y a un tout petit nombre de personnes qui sont ultra-riches et qui s’en mettent plein les poches et qu’il faut taxer plus. »

Il rappelle son engagement précoce contre la politique d’Emmanuel Macron, bien avant son élection comme député : « Ça me fait penser à un événement auquel j’ai participé devant la cathédrale avant même d’être candidat en 2022 où je suis allé dénoncer pendant le meeting d’Emmanuel Macron, candidat à sa réélection, avec quelques camarades, dénoncer le fait que rien n’allait être fait comme rien n’avait été fait pendant les 5 ans précédents, pour une meilleure répartition des richesses. »

Le parlementaire insoumis pointe directement la responsabilité du président de la République dans l’accroissement des inégalités : « D’ailleurs même, c’est le contraire car Emmanuel Macron avait supprimé l’ISF et ne l’a pas rétabli quand il a été réélu parce qu’il a voulu simplement remercier ses petits copains qui lui ont permis d’être dans la position où il était, à savoir candidat du système oligarchique pour maintenir ce pouvoir des ultras riches aux ultras riches. »

Son constat sur la situation sociale du pays est sans appel : « On a 8 millions de personnes qui vont aux banques alimentaires, on a une augmentation des personnes en grande pauvreté depuis l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir, c’est absolument insupportable. »

Pour une VIe République et une transition écologique

Le député plaide pour une transformation profonde des institutions politiques et du modèle économique : « Il faut aussi faire la bifurcation écologique et il faut plus de démocratie, il faut passer à la 6e République », affirme-t-il avec force.

Emmanuel Fernandes critique vertement le système présidentiel actuel : « Il faut sortir de ce système où un seul homme détient tous les pouvoirs et qui est capable de saucer ses copains alors même que de plus en plus de gens se serrent la ceinture. »

La victoire inachevée du Nouveau Front Populaire

Emmanuel Fernandes évoque avec une certaine amertume la séquence politique qui a suivi les législatives anticipées de l’été 2024 : « L’objectif est collectif, gouverner, on l’a atteint en juillet 2024 puisque le Nouveau Front Populaire a remporté les élections législatives. »

Le député regrette cependant que cette victoire électorale n’ait pas débouché sur l’exercice du pouvoir, en contradiction avec les principes démocratiques qu’il défend : « Je parlais de démocratie, je parlais de nécessité de changer de système parce qu’en toute logique on aurait dû être appelé à gouverner, le NFP aurait dû être appelé à gouverner. »

Il s’appuie sur des voix au-delà de son camp politique pour légitimer cette position : « Ce n’est pas que nous le disons, c’est y compris d’anciens Premiers ministres comme Dominique de Villepin qui considère que oui, Emmanuel Macron aurait dû appeler le NFP à gouverner. »

Le parlementaire strasbourgeois insiste sur les mesures concrètes qui auraient pu être rapidement mises en œuvre : « On aurait pu, même si on avait tenu que quelques semaines parce qu’on sait sans doute que la droite et l’extrême droite se seraient alliées pour nous censurer, mais au moins on aurait pu mettre en œuvre des mesures immédiates comme l’augmentation du SMIC à 1600€ net. »

Plus spécifiquement pour le territoire alsacien, il évoque un dossier environnemental majeur : « Plus localement, on aurait pu stopper les travaux d’enfouissement des déchets à Stocamine en faisant annuler l’arrêté préfectoral autorisant les travaux, et donc on aurait pu préserver la plus grande nappe phréatique d’Europe et faire en sorte que jusqu’ici à Strasbourg, l’eau de la nappe phréatique ne soit pas polluée par les déchets toxiques de Stocamine. »

Un engagement européen au service des droits humains

Au-delà de son mandat national, Emmanuel Fernandes siège également à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : « Je suis aussi membre de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans la délégation française de l’Assemblée nationale », précise-t-il.

Il détaille son activité au sein de cette institution européenne basée à Strasbourg : « C’est une assemblée qui siège ici à Strasbourg au Palais de l’Europe, on se réunit tous les 3 mois ici en séance plénière. »

Le député souligne l’importance de cette dimension internationale dans son engagement : « Pour moi, c’est important aussi de faire ce travail au niveau des institutions internationales et d’une institution aussi importante que le Conseil de l’Europe qui est chargé de défendre les droits humains, les libertés fondamentales et l’état de droit dans les 46 États membres, mais même plus largement dans le monde car 46 États, c’est déjà 1/4 de la planète. »

Des positions fermes sur les conflits internationaux

Emmanuel Fernandes articule son engagement local avec une vision géopolitique précise et des positions affirmées sur les principaux foyers de tension internationale.

Sur le conflit russo-ukrainien, sa position est sans ambiguïté : « Je condamne notamment l’agression de l’Ukraine par la Russie, agression inacceptable et insupportable, et on dénonce très fermement le fait que les Russes aient envahi l’Ukraine. » Il analyse les répercussions globales de ce conflit : « Il y a une déstabilisation importante, non seulement de l’Europe mais aussi du monde. »

Le député évoque également avec inquiétude « le retour au pouvoir de Donald Trump, dont on voit qu’il accentue les tensions internationales. »

Sur la situation à Gaza, Emmanuel Fernandes exprime une position ferme : « Il y a un autre foyer de tensions, parmi d’autres, d’ailleurs plus que de tensions, de massacre, même de génocide dans le monde, qui est Gaza avec l’intervention totalement disproportionnée, hors du droit international de l’État d’Israël depuis le 7 octobre 2023 et les actes terroristes, les attentats qu’on dénonce évidemment puisque les 1200 victimes israéliennes sont un drame absolu et qu’il faut dénoncer. »

Il s’appuie sur les instances judiciaires internationales pour étayer son propos : « D’ailleurs, la Cour pénale internationale a condamné à la fois un dirigeant du Hamas, en tout cas le poursuit pour crime de guerre et crimes contre l’humanité, mais également Benjamin Netanyahou et Yoav Gallant (ancien ministre de la défense) pour les mêmes chefs d’accusation. »

Son constat sur la situation actuelle est sans appel : « Le génocide a toujours lieu, le génocide est en cours à Gaza et je crois qu’il faut dire avec force que l’on ne pourra pas régler les problèmes du monde tant qu’il y aura un deux poids deux mesures qui fera qu’on permet à certains États de massacrer un peuple voisin, qu’on permettra de perpétrer un génocide. »

Le parlementaire formule des exigences précises pour une résolution du conflit : « Je demande que cesse le feu à Gaza, je demande aussi que cesse la colonisation en Cisjordanie, que cessent les attaques sur le Liban et qu’Israël soit appelé à respecter le droit international, que son Premier ministre Benjamin Netanyahou soit arrêté et inculpé pour les crimes de guerre qu’il a commis, que la France respecte là aussi le droit international et ne lui permette pas de survoler le pays comme il l’a fait il y a quelques jours. »

Un combat pour les droits et contre l’extrême droite

Emmanuel Fernandes établit un lien direct entre son engagement international et ses combats quotidiens : « Pour moi, les questions internationales sont très clairement connectées avec les questions du quotidien parce que le respect des droits à l’échelle humaine, à l’échelle de l’humanité est aussi le respect des droits des uns et des autres dans la société, dans le quotidien, le respect de l’intégrité des différentes communautés, des différentes perceptions du monde. »

Il défend une vision inclusive de la société : « On doit s’accepter les uns les autres tels qu’on est et on ne doit pas passer notre temps à se diviser, à se discriminer. »

Le député inscrit son action dans un combat plus large contre la montée des extrêmes : « En cela, la montée de l’extrême droite, c’est là aussi un de mes combats prioritaires, stopper la vague de l’extrême droite. »

En alternative, il propose « un programme humaniste, écologiste, démocratique, féministe, laïc qui permet à toutes les religions d’exercer librement dès lors que la loi est respectée et que la liberté des autres, y compris la liberté de ne pas avoir de religion, est respectée. »

Des ambitions réaffirmées pour l’avenir

Emmanuel Fernandes conclut en réaffirmant sa détermination à poursuivre son engagement politique : « Mon objectif personnel, c’est de participer au fait qu’on soit majoritaire et tant que je le pourrai, je ferai en sorte de peser au maximum dans les différentes institutions, dans les différentes collectivités pour porter au plus haut le programme des insoumises et des insoumis. »

Le député laisse entrevoir d’éventuelles ambitions électorales futures : « Je continuerai de me battre comme député et peut-être d’ailleurs sous une autre casquette dans l’intérêt de la France Insoumise. » Une façon à peine voilée d’évoquer de possibles candidatures à d’autres fonctions électives pour ce représentant déterminé de la gauche strasbourgeoise.