L’annonce de la rénovation de l’Opéra national du Rhin suscite de vives réactions dans la capitale alsacienne. Acté le 10 avril dernier par la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg, l’État, la Région Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace, ce projet estimé à 120 millions d’euros prévoit une transformation majeure du théâtre municipal de la place Broglie entre 2028 et 2033.

Un chantier d’ampleur pour moderniser l’institution

Le projet prévoit plusieurs modifications structurelles importantes. La scène sera abaissée pour être de plain-pied, facilitant ainsi la manutention des décors. Le parterre sera également abaissé de quelques mètres, tandis que la toiture sera rehaussée de 5 mètres pour surélever la cage de scène. Ces aménagements visent à améliorer l’acoustique de la salle et à l’adapter aux productions lyriques et chorégraphiques.

Deux extensions seront construites : l’une sur la place du Petit Broglie pour remplacer les modulaires existants, destinée aux coulisses, loges et espaces logistiques ; l’autre sur le site de l’Arsenal, reliée au théâtre par un tunnel, qui accueillera notamment un espace de médiation. Le café-restaurant sera repositionné et l’accès des personnes à mobilité réduite sera facilité.

« Nous avons fait le choix d’un projet qui respecte l’identité historique du lieu tout en répondant à des besoins importants en termes de mise en sécurité et d’accessibilité des locaux, de confort d’accueil du public et des équipes, et d’amélioration des conditions techniques et logistiques« , a déclaré Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg.

Une nécessité face à des conditions jugées inadaptées

Cette rénovation répond à des problématiques connues de longue date. La commission départementale de sécurité avait émis un avis défavorable dès 1997. Alain Perroux, directeur de l’Opéra national du Rhin, a exprimé son enthousiasme pour ce projet, évoquant des équipes « attachées au Théâtre municipal strasbourgeois mais qui souffrent au quotidien de manque d’espace et de conditions de travail inadaptées« .

Actuellement, près de la moitié des 1144 places disposent d’une visibilité réduite sur la scène, et 5% des spectateurs ne la voient pas du tout. Le nouveau projet prévoit une salle d’environ 950 fauteuils, tous avec une bonne visibilité, avec des tarifs réduits pour la moitié des billets.

Un financement partagé et un calendrier précis

Le coût total de 120 millions d’euros sera financé notamment par la Ville (40 millions) et l’Eurométropole de Strasbourg (20 millions). Dès juillet 2025, un dialogue compétitif sera lancé pour désigner un architecte, avec un projet définitif attendu début 2027. Les travaux devraient débuter à l’automne 2028. Durant cette période, le Palais des fêtes sera adapté pour accueillir une partie de la programmation.

Une exposition retraçant l’histoire de l’Opéra et présentant le projet sera affichée sur les grilles de l’Hôtel de Ville du 17 avril au 7 mai.

Une polémique naissante sur la conservation du patrimoine

Ce projet ne fait pas l’unanimité. Jean-Philippe Vetter, élu local, a vivement réagi sur les réseaux sociaux, critiquant ce qu’il considère comme « la destruction de la salle de spectacle du XIXème siècle pour la remplacer par une nouvelle salle contemporaine« .

« Je ne peux me résoudre à voir disparaître cette salle du XIXe siècle, véritable joyau qui fait partie intégrante de l’âme de Strasbourg« , a-t-il déclaré, ajoutant qu’un projet alternatif à 47 millions d’euros aurait permis de préserver la salle historique.

Cette position a été contestée par Paul Schneider, usager régulier de l’Opéra, qui rappelle que « ça fait 20 ans au moins que l’opéra a besoin d’une transformation profonde en gardant son cachet« .

Florian Kobryn a quant à lui pointé une incohérence, rappelant que M. Vetter siège également à la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), qui a soutenu ce projet, et qu’il aurait voté « la suppression totale de la subvention annuelle à cet établissement » au sein de cette même collectivité.

Un équilibre délicat entre modernité et patrimoine

Vincent Cognée, directeur de l’Architecture et du patrimoine de la Ville de Strasbourg, assure que « ce scénario préserve la valeur patrimoniale du fronton et de la rotonde, qui inscrivent l’Opéra dans l’environnement de la Neustadt« . Le bâtiment fera également l’objet d’une rénovation thermique.

La question qui se pose désormais pour de nombreux Strasbourgeois est de savoir si ce projet saura concilier les exigences techniques d’un opéra moderne avec la préservation de l’âme historique d’un lieu emblématique de la culture alsacienne.