La Résidence Rembrandt vient d’être inaugurée dans le quartier de l’Elsau à Strasbourg, marquant une étape dans le Programme de Renouvellement Urbain des Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV). Cette opération, portée par l’Eurométropole de Strasbourg, la Ville et CDC Habitat – Location, a permis la rénovation de 96 logements sociaux.

Selon Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole, cette résidence rénovée « illustre notre engagement collectif : 96 logements modernisés, économes en énergie et adaptés aux besoins des habitants notamment les personnes âgées et celles en situation de handicap.« 

De son côté, Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, met en avant « des espaces partagés : une grande salle commune, une bibliothèque, des terrasses collectives et un atelier de bricolage » ainsi qu’ »un accompagnement social et culturel pour créer du lien entre les résidents, avec la compagnie Lu² qui intervient sur place.« 

Cependant, de nombreux habitants ne comprennent toujours pas les actions de certaines associations dans le quartier, comme cette même compagnie Lu² qui avait mis en place il y a quelque temps un StreetAlbum censé souder les habitants. « Quel est l’objectif de ces initiatives et à la demande de qui ont-elles été lancées », se demande Nora, une habitante quartier. Beaucoup s’interrogent sur l’émergence rapide de ces structures alors que le Centre Social et Culturel (CSC), pilier historique du quartier, a récemment fermé ses portes, laissant un vide considérable dans l’accompagnement des habitants.

Des investissements massifs aux résultats contestés

Cette réhabilitation s’inscrit dans un projet global doté d’une enveloppe de 175 millions d’euros d’investissements publics. L’Elsau fait partie des sept quartiers concernés par le Programme de Renouvellement Urbain, avec « plus d’1 milliard d’euros investis pour améliorer le quotidien des habitantes et habitants« , selon Pia Imbs.

La maire de Strasbourg évoque « 1 187 logements réhabilités, 360 nouveaux logements construits, de nouveaux services publics, pour le sport, la santé et des commerces de proximité » dans le cadre de ce programme.

Une réalité quotidienne bien plus sombre

Malgré ces annonces officielles, la réalité quotidienne des habitants de l’Elsau tranche sévèrement avec le discours institutionnel. Le quartier reste profondément marqué par l’insalubrité et diverses problématiques sociales.

L’installation d’une machine à échange de seringues par la municipalité cristallise les tensions. De nombreux habitants y voient non pas une mesure de santé publique, mais un signal inquiétant. « Ils veulent concentrer les toxicomanes ici, comme si notre quartier était sacrifié« , témoigne un père de famille qui habite à proximité du dispositif. « On a l’impression que la municipalité actuelle souhaite attirer plus de consommateurs de drogue dans notre quartier en installant ce genre d’équipement.« 

Cette machine, unique à Strasbourg, est perçue par beaucoup comme le symbole d’un traitement différencié des quartiers par les pouvoirs publics. « Pourquoi pas au centre-ville ou à la Robertsau ?« , faisant référence à des quartiers plus aisés de la ville.

Des initiatives citoyennes pour pallier les carences

Face à ces difficultés et au sentiment d’abandon, des initiatives citoyennes émergent. Récemment, des jeunes de la Maison des Projets Innovants (MPI) ont organisé une opération de nettoyage du quartier.

Le tissu commercial de l’Elsau révèle également les fractures du quartier. D’un côté, de nouveaux commerces s’installent avec le soutien appuyé des collectivités. De l’autre, les commerçants historiques se sentent totalement délaissés.

« On voit des subventions massives pour les nouveaux arrivants, alors que nous, qui sommes là depuis des années, nous n’avons jamais rien reçu« , dénonce un commerçant installé depuis plusieurs années.

Cette politique sélective de soutien au commerce local accentue le sentiment d’inégalité de traitement au sein même du quartier.

Le décalage entre discours et réalité

« Strasbourg est engagée pour l’autonomie et le vivre-ensemble« , affirme Jeanne Barseghian dans sa communication. « Nos aînés sont une force, nous avons à cœur de leur permettre de rester dans leur logement plus longtemps, dans un cadre agréable, sécurisé et convivial. »

Ce discours officiel se heurte cependant à la perception des habitants qui, au quotidien, font face à des problèmes de sécurité, d’insalubrité et d’isolement. Le contraste entre les annonces politiques et la réalité vécue n’a jamais semblé aussi marqué.

L’Elsau reste ainsi un quartier en attente de transformations profondes, au-delà des opérations de rénovation urbaine qui, si elles améliorent le cadre bâti, ne suffisent pas à répondre aux défis sociaux et économiques auxquels sont confrontés ses habitants.