Boire un verre d’eau du robinet à Strasbourg, un geste anodin du quotidien, pourrait-il être plus risqué qu’on ne le pense ? C’est la question que soulève une étude récente menée par l’UFC-Que Choisir et Générations Futures. Cette enquête nationale a révélé la présence quasi systématique de polluants éternels, les PFAS, dans l’eau potable des 30 communes testées à travers la France. À Strasbourg, un prélèvement réalisé en centre-ville a mis en évidence un cocktail de huit de ces substances chimiques, connues pour leur persistance dans l’environnement et leurs effets néfastes sur la santé.
Les PFAS : des polluants invisibles mais omniprésents
Les perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés (PFAS) sont une famille de composés chimiques utilisés depuis les années 1950 dans de nombreux produits industriels et du quotidien : mousses anti-incendie, pesticides, emballages alimentaires, ustensiles de cuisine antiadhésifs, textiles imperméables… Leur problème ? Ils ne se dégradent pratiquement pas, s’accumulent dans l’environnement et dans nos organismes, et sont associés à de graves risques sanitaires : maladies thyroïdiennes, cancers du rein, troubles hormonaux, atteintes hépatiques…
Dans l’eau prélevée à Strasbourg, les analyses ont révélé la présence de huit PFAS différents, dont le PFOS (1,5 ng/L), un produit interdit en Europe depuis 2019, ainsi que du TFA (80 ng/L), un dérivé des pesticides fluorés récemment classé reprotoxique.

Une réglementation insuffisante pour protéger les Strasbourgeois ?
Face à ces résultats, les autorités sanitaires françaises restent relativement sereines. La future norme qui s’appliquera en 2026 fixera un seuil maximal de 100 ng/L pour la somme de 20 PFAS dans l’eau potable. Selon cette règle, l’eau de Strasbourg est conforme. Mais cette norme ne repose sur aucun critère toxicologique, uniquement sur les capacités de détection d’anciens tests de laboratoire. En comparaison, le Danemark appliquera en 2026 une norme bien plus stricte, limitant la concentration de certains PFAS à 2 ng/L seulement. Si cette règle était en vigueur en France, l’eau de Strasbourg serait jugée non conforme.
Une contamination prévisible, un problème sous-estimé
Les experts rappellent que la contamination de l’eau strasbourgeoise n’a rien de surprenant. Une étude récente de l’APRONA sur la nappe phréatique d’Alsace (novembre 2024) a déjà démontré la présence de PFAS dans 12 % des échantillons analysés, dépassant les seuils de conformité pour l’eau potable. Or, l’eau distribuée à Strasbourg provient presque exclusivement de cette nappe souterraine, pompée au champ captant du Polygone sans traitement spécifique.
Autrement dit, les Strasbourgeois boivent quotidiennement une eau contaminée par des substances persistantes et toxiques, sans qu’aucune action majeure ne soit mise en place pour y remédier.

Une pollution coûteuse, mais qui pourrait être évitée
Face à l’ampleur du problème, les associations environnementales tirent la sonnette d’alarme. UFC-Que Choisir du Bas-Rhin exige que les pouvoirs publics adoptent des normes basées sur des critères scientifiques récents et non sur des seuils arbitraires dépassés. Car si rien n’est fait, la dépollution de l’eau potable pourrait représenter un coût colossal pour les collectivités : jusqu’à 100 milliards d’euros par an au niveau européen.
Mais ce combat est loin d’être uniquement financier. Dépolluer l’eau ne servira à rien si les industriels continuent à rejeter des PFAS dans l’environnement. Actuellement, seuls trois PFAS sont interdits dans le monde, tandis que des milliers d’autres continuent d’être utilisés sans restriction.

Une loi en attente, des élus locaux appelés à agir
Pour contrer cette contamination continue, une proposition de loi vise à interdire l’utilisation des PFAS dans certains produits de consommation (cosmétiques, textiles, ustensiles de cuisine), à limiter drastiquement les rejets industriels et à contraindre les entreprises à financer la dépollution. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat, elle attend toujours son adoption définitive… et risque d’être oubliée après la récente dissolution de l’Assemblée.
C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir du Bas-Rhin appelle les parlementaires alsaciens à agir sans délai pour protéger la santé des Strasbourgeois et préserver l’avenir de la nappe phréatique d’Alsace, déjà fragilisée par d’autres formes de pollution.
Boire l’eau du robinet à Strasbourg : faut-il s’inquiéter ?
Alors, faut-il arrêter de boire l’eau du robinet à Strasbourg ? À court terme, les autorités sanitaires estiment qu’il n’y a pas de danger immédiat, les concentrations relevées restant sous les seuils réglementaires actuels. Mais ces seuils sont-ils réellement protecteurs ?
La question mérite d’être posée, surtout lorsque l’on sait que 100 % des Français présentent déjà des traces de PFAS dans leur sang, selon une étude du ministère de la Santé. Face à une pollution invisible mais persistante, c’est bien une action politique d’ampleur qui est attendue. Les Strasbourgeois seront-ils entendus avant que la situation ne devienne irréversible ?
Affaire à suivre… et à surveiller de près.
