La bataille de Turckheim, qui se déroula le 5 janvier 1675, reste un événement tragique dans l’histoire de l’Alsace. Ce jour-là, l’armée française, dirigée par le Maréchal Turenne, a infligé un massacre à la population alsacienne de la ville de Turckheim, un épisode souvent perçu comme une brutalité de guerre. Cet événement est d’autant plus sensible aujourd’hui qu’un monument en l’honneur du Maréchal Turenne, érigé en 1932, continue de diviser les habitants et soulève un débat sur la manière de traiter l’histoire de la région.
Contexte de la guerre de Hollande et la bataille de Turckheim
La guerre de Hollande (1672-1678) a vu la France, sous le règne de Louis XIV, tenter d’élargir son influence et ses territoires en Europe. L’Alsace, alors territoire du Saint-Empire romain germanique, faisait face à la pression des troupes françaises qui cherchaient à affirmer leur domination. En janvier 1675, après plusieurs victoires françaises en Alsace, l’armée du Maréchal Turenne, l’un des plus grands stratèges militaires de l’époque, était en pleine campagne de conquête dans la région.
Le 5 janvier, à Turckheim, une petite ville alsacienne, les forces françaises affrontaient une résistance composée en grande partie de paysans et de milices locales. Ces derniers, mal équipés et mal entraînés, ne purent faire face à la violence de l’armée française. Les historiens évoquent la destruction presque totale de la ville et le massacre de nombreux habitants, victimes de la répression brutale imposée par l’armée française.
Turenne, qui a joué un rôle clé dans cette conquête, est aujourd’hui un personnage controversé. Si, pour certains, il reste une figure héroïque de l’histoire militaire française, sa conduite lors de la bataille de Turckheim soulève des interrogations. Ses troupes n’ont pas hésité à recourir à la terreur pour asseoir le contrôle sur la région, infligeant de lourdes pertes humaines à la population locale.

Le monument de 1932 : un héritage contesté
Le monument érigé à Turckheim en 1932 en l’honneur du Maréchal Turenne, sur les lieux même de la bataille, est aujourd’hui au cœur d’une polémique. Il représente un choix politique fort à une époque où la mémoire de l’Alsace, récemment annexée par l’Empire allemand (1871-1918), était toujours marquée par des questions identitaires et de reconquête. Ce monument a été vu par certains comme un symbole de la domination française, notamment dans le contexte des tensions qui régnaient après la Première Guerre mondiale.
Le post d’Unser Land, un mouvement régionaliste alsacien, exprime une position très ferme contre ce monument. Selon ce mouvement, il ne s’agit pas simplement d’un hommage à une figure militaire, mais d’une glorification d’un acte brutal qui a causé des souffrances à la population alsacienne. Pour eux, Turenne n’est pas un héros, mais un symbole de l’oppression. Leur appel à retirer ce monument s’inscrit dans une volonté de rétablir une mémoire plus juste, en phase avec la réalité historique et les souffrances locales, plutôt que de maintenir une figure qui représente la conquête violente de l’Alsace.

Une mémoire partagée et une histoire à réévaluer
La question du monument de Turenne à Turckheim soulève de nombreuses interrogations sur la manière de traiter l’histoire de l’Alsace et des événements de 1675. Faut-il continuer à honorer une figure militaire qui a joué un rôle majeur dans la conquête de la région, ou faut-il reconsidérer cette mémoire au regard de la souffrance infligée à la population locale ? Les débats actuels, notamment ceux portés par des mouvements comme Unser Land, invitent à une réflexion plus large sur la manière dont nous choisissons d’interpréter et de préserver notre histoire collective.
Dans un contexte où les questions identitaires et mémorielles sont plus que jamais d’actualité, la bataille de Turckheim et le monument à Turenne continuent d’alimenter les débats locaux. Quelle place donner à la mémoire de cet événement dans une Alsace moderne, fière de son histoire mais désireuse de réconcilier ses mémoires ? La réponse reste à construire collectivement.
