Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga, une jeune femme de 22 ans, succombait à une défaillance multiviscérale après avoir été victime d’une prise en charge défaillante par le SAMU de Strasbourg. Ce drame, révélateur des dysfonctionnements au sein des urgences médicales françaises, avait provoqué une onde de choc nationale. À l’occasion de ce septième anniversaire, nous revenons sur les faits et les suites judiciaires et institutionnelles de cette affaire.
Un appel tragique, une intervention retardée
Le matin du 29 décembre 2017, Naomi Musenga appelle le SAMU depuis son domicile à Strasbourg. Elle se plaint de douleurs insoutenables, mais sa voix affaiblie et sa difficulté à expliquer ses symptômes ne suscitent pas l’urgence attendue. L’opératrice minimise la situation, lui répond avec désinvolture et la redirige vers SOS Médecins au lieu de déclencher une intervention immédiate. Naomi est finalement transportée à l’hôpital plusieurs heures plus tard, mais il est trop tard. Elle succombe à une défaillance multiviscérale provoquée par une péritonite. Des experts médicaux ont estimé qu’une intervention rapide aurait pu sauver la jeune femme.

Une indignation nationale et un choc collectif
Ce n’est qu’en avril 2018 que l’affaire éclate au grand jour, lorsque la famille de Naomi rend public l’enregistrement de son appel au SAMU. Les propos moqueurs de l’opératrice, combinés à l’évidente négligence dans la prise en charge, provoquent une vive émotion. Des personnalités publiques, des associations et des citoyens expriment leur indignation face à une situation perçue comme symptomatique des dysfonctionnements dans le système de santé. À Strasbourg, une ville profondément marquée par ce drame, les Strasbourgeois se mobilisent rapidement pour exiger des réponses et des changements concrets.
Une enquête complexe et des répercussions judiciaires
L’affaire Naomi Musenga donne lieu à une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui met en évidence des défaillances organisationnelles au SAMU de Strasbourg. En juin 2018, le chef du SAMU démissionne, tandis qu’une information judiciaire est ouverte pour « non-assistance à personne en danger » et « homicide involontaire« . En janvier 2024, l’opératrice du SAMU est mise en examen pour non-assistance à personne en danger. Quelques mois plus tard, en juillet 2024, elle est condamnée à une peine de 12 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Strasbourg. Cette décision judiciaire, bien que symbolique, laisse la famille de Naomi insatisfaite, rappelant que la responsabilité de ce drame dépasse celle d’une seule personne.

Un catalyseur pour les réformes des urgences
Au-delà de l’émotion, le décès de Naomi Musenga a agi comme un électrochoc pour le système de santé français. Le ministère de la Santé a promis des réformes destinées à renforcer la formation des opérateurs du SAMU et à garantir une meilleure prise en charge des appels d’urgence. Ces promesses ont donné lieu à quelques avancées notables, notamment la mise en place de formations plus poussées pour les agents en charge de la régulation médicale. Toutefois, les associations de patients et les professionnels de santé continuent de dénoncer les conditions de travail souvent dégradées des services d’urgence, en particulier dans un contexte de sous-effectifs chronique.

Une famille en quête de mémoire et de justice
Depuis 2018, la famille de Naomi n’a cessé de se battre pour honorer sa mémoire et pour que ce drame serve de leçon. Les proches de Naomi militent activement pour une amélioration globale des conditions de prise en charge des urgences médicales, rappelant que son décès aurait pu être évité. La création de l’association Naomi pour la vie illustre cet engagement, bien que les objectifs de réforme restent en partie inachevés.
Sept ans après les faits, l’affaire Naomi Musenga reste ancrée dans les mémoires. À Strasbourg et au-delà, elle symbolise les défis auxquels le système de santé français est confronté, mais aussi l’urgence de repenser les services médicaux pour garantir que chaque appel à l’aide soit traité avec la gravité qu’il mérite. Ce triste anniversaire rappelle que derrière les statistiques et les réformes, il y a des vies humaines et des familles brisées. Naomi Musenga reste, pour beaucoup, un symbole de la nécessaire humanisation des services de santé.
