Le 23 novembre dernier, à Strasbourg, Emmanuel Macron a rappelé un épisode sombre de l’Histoire, la tragédie des Malgré-Nous. Ce moment de reconnaissance a marqué une étape importante, mais il soulève une question cruciale : comment transformer les paroles en actions concrètes ? Dans un communiqué signé par Emmanuel Fernandes, député du Bas-Rhin, Jacques Fernique, sénateur du Bas-Rhin, et Gérard Michel, président de l’OPMNAM (association des Orphelins de pères Malgré-Nous d’Alsace-Moselle), un appel clair est lancé au gouvernement : agir pour indemniser les orphelins des Malgré-Nous.

Les Malgré-Nous : un drame historique qui persiste

Durant la Seconde Guerre mondiale, près de 145 000 Alsaciens et Mosellans ont été incorporés de force dans les rangs de l’armée allemande, une conscription imposée par le Troisième Reich. Parmi eux, environ 24 000 sont morts au combat et 16 000 ont péri en captivité, notamment dans le tristement célèbre camp de Tambov, en Russie. Ces jeunes Français, souvent assimilés à des Allemands par les Alliés, furent confrontés à des atrocités qu’ils subissaient malgré eux.

Le drame ne s’arrête pas là : les familles des Malgré-Nous qui refusaient l’incorporation étaient souvent expropriées, emprisonnées ou déportées dans des camps comme celui de Vorbruck-Schirmeck. Une douleur transgénérationnelle demeure, particulièrement pour les orphelins de ces victimes, qui restent encore aujourd’hui en attente de reconnaissance et de réparation.

Des paroles fortes, mais des actes attendus

Lors des commémorations des 80 ans de la Libération de Strasbourg, Emmanuel Macron a qualifié l’incorporation de force de « crime de guerre », reprenant les mots de Nicolas Sarkozy en 2010. Il a insisté sur la nécessité de « nommer, reconnaître et enseigner » cette tragédie comme une part intégrante de l’Histoire de la nation française.

Cependant, les auteurs du communiqué soulignent que ces paroles, bien que nécessaires, doivent impérativement être suivies d’effets concrets. Ils appellent à intégrer l’histoire des Malgré-Nous dans les programmes scolaires, dès la classe de troisième et jusqu’à la terminale, pour s’assurer que ce drame ne sombre pas dans l’oubli.

La question des indemnisations

Au cœur de cet appel se trouve une revendication essentielle : l’élargissement du décret 2004-751, qui prévoit des réparations pour les orphelins de victimes de la barbarie nazie. Aujourd’hui, environ 3 500 orphelins des Malgré-Nous sont encore en vie, et leur droit à une indemnisation reste en suspens.

Un amendement porté par Emmanuel Fernandes en 2023 visait à débloquer cette situation. Bien que cet amendement ait été adopté en commission de la défense et des finances, il a été censuré dans le cadre de l’examen du Projet de Loi de Finances (PLF). Ce texte sera toutefois redéposé en janvier 2025 à l’Assemblée nationale et au Sénat, avec l’espoir que cette fois-ci, les parlementaires donneront une issue favorable à ces familles.

Un travail de mémoire et de réconciliation

L’ampleur de cette tragédie appelle à une reconnaissance mémorielle qui dépasse les simples mots. Selon Gérard Michel, président de l’OPMNAM et lui-même orphelin de Malgré-Nous, il est impératif que le gouvernement prenne ses responsabilités pour panser cette « plaie toujours béante » dans les trois départements concernés.

Le communiqué appelle également à un travail de réconciliation nationale, où la mémoire collective peut permettre de mieux comprendre cet épisode historique. Les signataires invitent les parlementaires et les membres du gouvernement à œuvrer ensemble pour que justice soit rendue.

Une urgence historique

80 ans après ces événements tragiques, le temps presse pour les derniers survivants et leurs familles. La reconnaissance officielle par le Président de la République est un pas important, mais ce sont les actes qui permettront véritablement de fermer cette page douloureuse de l’histoire alsacienne et mosellane.

Pour que cette tragédie ne reste pas une simple leçon d’histoire, mais un exemple concret de justice réparatrice, la mobilisation des décideurs politiques est plus urgente que jamais. Ce combat dépasse les frontières de l’Alsace-Moselle : il s’agit d’une question d’humanité et de mémoire pour l’ensemble de la nation française.